1,2, 3 Questions – Dr Alexandra Fourcade

Dr Alexandra Fourcade, DGOS, Cheffe du bureau des usagers

 

L’étude PANTERE (PANdémie, TERritoires et Éthique) remise fin janvier analyse le rôle des instances éthiques locales en période de crise sanitaire, qu’en ressort-il ?

Ce rapport est avant tout une étude partenariale associant le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la Conférence nationale des ERER (CNERER), et les Espaces de réflexion éthique régionaux. Elle a été coordonnée par l’Espace de réflexion éthique de Normandie et financée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS).

Très précocement dès mars 2020, le CCNE a identifié le besoin de renforcer l’appui aux professionnels de santé, en particulier hospitaliers, sur le terrain, pour les aider dans la gestion de la crise de manière opérationnelle. La notion d’« éthique de proximité » a émergé, une terminologie alors assez nouvelle, et qui a trouvé tout son sens en cette période de pandémie. Au niveau régional, 15 espaces de réflexion éthique assurent depuis 2004 diverses missions, notamment de formation et d’observation des pratiques, et à l’occasion de cette crise, des « cellules de soutien éthique » ont été créées assez spontanément pour apporter un soutien effectif et ciblé aux professionnels de santé dans les régions.

Quel rôle ont joué ces cellules de soutien éthique pendant la crise ?

Au niveau national à la DGOS, nous nous sommes appuyés sur ces cellules de soutien éthique pour faire remonter des questionnements très pratico pratiques de terrain. L’objectif était à la fois d’assurer une veille sur ces préoccupations de terrain, et d’en tenir compte dans le cadre des instructions et directives nationales, nombreuses en cette période, et également d’adapter ces mesures au plus près des besoins. Une remontée de données de ces questions a été constituée par la DGOS dès 2020 sous un format simple mais permettant une circulation très fluide de l’information entre les différents acteurs. Ainsi, la DGOS a par exemple pu faire remonter à la cellule interministérielle de crise avec l’aide des espaces éthiques et le CCNE, la problématique du décret du 1er avril 2020, qui décidait la mise en bière immédiate de patients décédés du Covid. Les réactions des professionnels de santé et des familles avaient été marquées par l’incompréhension et la colère. Un mois plus tard, la toilette funéraire et la possibilité pour les familles de voir leur proche après le décès étaient de nouveau autorisées.

Les dispositifs de signalement existent, notamment pour les événements indésirables graves, mais ils n’ont pas été créés dans cette logique de pilotage national, dans une culture de prise en compte des signaux faibles sur le terrain, qui seraient partagés. La crise a montré la nécessité d’avoir des « capteurs » dans les territoires, des « tuyaux » pour faire remonter rapidement un certain nombre de signalements.

Quelles sont les conclusions de l’étude PANTERE ?

Le premier constat est qu’il est nécessaire d’intégrer l’éthique de proximité dans le cadre d’intervention des espaces éthiques, afin de pérenniser le rôle des cellules de soutien éthique régionales, en période de crise et au-delà. Ce cadre d’échanges proposé aux professionnels de santé leur est nécessaire pour prendre du recul sur leurs pratiques et donner du sens à leur activité au quotidien.

Autre point soulevé : une animation territoriale de l’éthique est essentielle pour que les espaces éthiques et leurs cellules de soutien soient bien identifiés et mis à contribution par les acteurs locaux, y compris les ARS. Ce que l’on souhaite à travers cette animation territoriale, c’est resserrer le travail des espaces de réflexion éthique régionaux avec celui des instances de démocratie sanitaire dans les régions telles que les CRSA (conférence de santé régionale santé autonomie), qui sont là aussi pour organiser des débats publics, faire partager les questions de santé au plus grand nombre, y compris les collectivités territoriales, les citoyens, usagers, associations… On voit qu’il y a une convergence assez forte entre les questionnements éthiques des professionnels de santé pendant la crise et ceux des citoyens dans le champ de la démocratie en santé. Cette convergence des préoccupations des professionnels de santé et des usagers en temps de crise, se retrouve en temps normal. Elles sont complémentaires.

Lors d’une prochaine crise sanitaire (nucléaire, chimique…), d’un point de vue éthique, serons-nous mieux préparés ?

Nous serons mieux préparés si nous capitalisons sur les enseignements des deux années passées. Une « feuille de route pour le développement de l’éthique » sera proposée dans quelques mois, qui précisera les rôles respectifs de chaque partie prenante : CCNE, CNERER et ERER, ministère des Solidarités et de la Santé.

Trois thèmes de travail principaux ressortent : le renforcement de la mission d’observatoire et d’expertise des ERER en appui pour une meilleure gestion de crise sanitaire ou pour la conduite de politiques publiques ; la formation des professionnels de santé en formation initiale et continue et la structuration territoriale de réseaux éthiques en lien avec les agences régionales de santé (ARS) ; enfin le rapprochement des structures de réflexion éthique et des instances de démocratie sanitaire.

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