1,2, 3 Questions – Emmanuel Ricard

Emmanuel RICARD, porte-parole et délégué au service de prévention et promotion du dépistage de la Ligue contre le cancer

En février, la Ligue contre le cancer a publié le communiqué de presse « La lutte contre le cancer, plus que jamais, notre cause à toutes et tous ! ». En matière de prévention, quelles sont vos actions phares ?

Au moment des confinements, nous avons constaté une accentuation des conduites addictives. Nous souhaitons alerter sur les méfaits du tabac et de l’alcool.

Le président de la République avait appelé de ses vœux : une génération sans tabac, lors de la publication de la stratégie décennale contre le cancer. Nous œuvrons pour la dénormalisation du tabac par des interventions dans les écoles, en collaboration avec l’éducation nationale mais aussi avec les collectivités locales pour instaurer des espaces sans tabac. Le décret Bertrand (Décret n°2006-1386 du 15 novembre 2066) interdit de fumer dans les lieux publics et de travail. Nous avons obtenu la généralisation des espaces de jeu sans tabac. Nous exigeons par décret l’interdiction de fumer aux abords des écoles. Nous soutenons la demande émise par l’Alliance contre le tabac, d’étendre l’interdiction de vente aux mineurs en augmentant progressivement cette mesure aux 19 puis 20 ans.

La France est l’un des pays dans lequel la consommation d’alcool est la plus haute. L’alcool est le deuxième facteur de risque de cancer après le tabac. Au niveau européen, nous ne comprenons pas pourquoi l’alcool, considéré comme un produit alimentaire, n’est pas soumis aux règles d’étiquetage en vigueur pour les autres produits. Si la réglementation de l’eau minérale s’appliquait à l’alcool, bon nombre de produits ne seraient pas autorisés à la vente du fait du nombre de pesticides contenus. Nous dénonçons le deux poids deux mesures. Une politique de prix sur les alcools en fonction de la dangerosité du produit est nécessaire, ce qui est fait en Ecosse par exemple.

Quelle autre mesure vous semble prioritaire ?

La multiplication de particules accentue la pollution de l’air. L’OMS a ainsi diminué drastiquement ses normes. C’est pourquoi dans les grosses agglomérations, nous développons la notion de « rues scolaires » destinées à réduire la circulation près des écoles et des crèches. Les enfants sont particulièrement vulnérables. De plus, les rues scolaires favorisent les mobilités douces et donc l’activité physique.

Les études parues démontrent que 95 % des Français sont en dessous des normes en matière d’activité physique fixée à 10 000 pas par jour. Or, le réflexe d’une activité physique s’acquiert dans les jeunes années. L’activité physique est un facteur bénéfique pour lutter contre toutes les pathologies chroniques que ce soit le diabète, les maladies cardio-vasculaires, le cancer et les maladies respiratoires. La qualité de l’air est le combat de l’avenir.

Où en sommes-nous au sujet de la lutte contre le cancer colorectal ?

L’édition 2022 de Mars Bleu, nous semble le moment opportun pour relancer la question des dépistages parce que nous enregistrons, à la suite des deux années que nous venons de vivre, un désintérêt pour les questions du dépistage en général. Les chiffres du dépistage ont baissé sur le cancer du sein mais aussi sur le cancer colorectal et ils stagnent pour ce qui est de la vaccination HPV (papillomavirus humain) et du cancer du col.

Durant les confinements, les gens ont peu vu leur médecin considérant qu’il était difficile d’avoir un rendez-vous. Ainsi, le taux de participation à la campagne de dépistage du cancer du côlon, déjà bas (33 %), a enregistré une chute d’une dizaine de points. Par ailleurs, il a eu des problèmes d’envois postaux. Près 5 % des tests n’étaient pas interprétables du fait des délais d’acheminement, soit près de 225 000 personnes et nous savons que 60 % des gens dont le test est ininterprétable ne le renouvellent pas. C’est une vraie perte de chance.

Cependant les choses rentrent dans l’ordre, il faut relancer les campagnes de dépistage. Le test, facilement réalisable, se fait à domicile. Comme le cancer du col, le cancer colorectal peut être détecté en amont car il présente des lésions précancéreuses traitables avant que le cancer se déclare. Pour le cancer colorectal, nous pouvons en supprimer 90 % par un dépistage réalisé tous les 2 ans entre 50 et 74 ans. Or actuellement, plus de 50 % des cancers colorectaux sont détectés trop tard, ce qui suppose une chirurgie invalidante et de la chimiothérapie. Le dépistage est primordial.

La situation française est largement en dessous des normes européennes. Pour multiplier les dépistages du cancer colorectal nous proposons : la création d’un site sur lequel sur simple inscription, un kit de dépistage est envoyé (www.monkit.depistage-colorectal.fr), et, la mise à disposition chez les pharmaciens de ces mêmes kits. Nous nous appuyons sur les pharmaciens qui se sont révélés un bon moyen d’accès aux soins préventifs. Ces solutions proposent un accès direct à la prévention.