1,2, 3 Questions – Pascale CUNY

Pascale CUNY, pharmacien, chef de projet chimiothérapies, direction pharmacie, Ramsay Santé

Médicaments en autorisation d’accès précoce, autorisation d’accès compassionnel et cadre de prescription compassionnelle, pourquoi en 2021 une réforme de l’accès dérogatoire aux médicaments ?

Avant la réforme, la gestion des dispositifs d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) était devenue très complexe. Six dispositifs d’accès dérogatoire co-existaient en 2020, chacun régi par des critères d’accès et de prise en charge spécifiques. De plus, le périmètre de recommandation temporaire d’autorisation (RTU) et d’ATU se recoupaient et les procédures étaient longues et dépendantes des laboratoires.

La refonte totale du système de l’accès dérogatoire aux médicaments par l’article 78 de la LFSS de 2021, pour les prises en charge et médicaments faisant l’objet d’ATU et de RTU, garantit désormais la pérennisation de l’accès à ces traitements innovants. En 2021, la consommation de médicaments rentrant dans le champ de l’accès précoce compassionnel représentait 475 millions d’euros, en augmentation de 53 % par rapport à l’année 2020.

S’agit-il d’une simplification des process ou des procédures ?

En pratique, les procédures ne sont pas simplifiées, mais le cadre est plus clair.

L’autorisation d’accès compassionnel (AAC), anciennement nommée ATU nominative, est considérée pour des besoins médicaux nominatifs auxquels peuvent répondre des médicaments qui n’ont pas vocation à être commercialisés. Les AAC sont demandées pour un médicament non autorisé et non disponible en France par un prescripteur hospitalier, pour un patient nommément désigné, sous réserve que l’ANSM ait la capacité de présumer d’un rapport bénéfice/risque favorable pour une maladie grave, rare ou invalidante.

L’accès précoce vise les médicaments répondant à un besoin thérapeutique non couvert et susceptibles d’être innovants et pour lesquels l’efficacité et la sécurité du médicament sont fortement présumées dans une indication thérapeutique précise visant une maladie grave, rare ou invalidante, sans traitement approprié. Le laboratoire s’engage à déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans un délai déterminé de deux ans.

Ainsi, les ATU C (de cohorte) deviennent des accès précoce pré-AMM et les prises en charge temporaires au titre du post-ATU deviennent des accès précoces post-AMM.

Qu’est-ce qui change en pratique pour les professionnels de santé ?

Pour les autorisations d’accès compassionnels à l’initiative des prescripteurs, les modalités de demande et de délivrance ne sont pas modifiées. Une note d’information interministérielle du 7 février 2022 prévoit la transmission de l’indication thérapeutique des médicaments via le code indication. Plus aucun code « NXXXX00 » n’est valorisé. La demande est prise en charge automatiquement à 100 % par l’Assurance maladie.

Pour les autorisations d’accès précoce, les prescripteurs informent leurs patients sur la prescription effectuée et son caractère précoce et dérogatoire. La prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie est automatique dès l’octroi de l’autorisation. Et les codes indication sont transmis via le RSF-H. Enfin, le délai pour obtenir l’accès précoce d’un médicament est raccourci à 3 mois après recevabilité du dossier.

Pour les accès précoces, accès compassionnels très précoces ou dans le cadre de prescriptions compassionnelles, la collecte des données « en vie réelle » auprès des patients est réalisée afin d’obtenir des data sur l’efficacité, l’intérêt de l’arsenal thérapeutique et la sécurité, qui permettront une évaluation régulière du médicament. Une convention entre l’entreprise et l’établissement prévoit les modalités de dédommagement pour rémunérer le temps passé par les professionnels de santé pour renseigner les plateformes des fournisseurs.

Quel est le bilan à 10 mois de la réforme 2021 ?

Dix mois après l’entrée en vigueur de la réforme sur l’accès précoce, le bilan publié par la HAS et l’ANSM est positif, notamment pour ce qui est de la rapidité de traitement des demandes et par ricochet celle d’accès aux dispositifs. Cette réforme permet non seulement d’accélérer la mise à disposition de traitements innovants mais également d’approfondir les connaissances scientifiques et la collecte de données.

Sur 100 demandes déposées par les laboratoires pharmaceutiques auprès de la HAS, 50 décisions favorables ont été rendues. Les délais d’instruction fixés réglementairement à 90 jours maximum sont actuellement de l’ordre de 60 jours, c’est-à-dire que la HAS et l’ANSM traitent les demandes en 2 mois au lieu de 3.

Les patients tiennent également une large place dans ce dispositif. Sur les 50 décisions rendues, 23 ont été alimentées par des contributions de patients. Des associations de patients ont même été auditionnées par la Commission de transparence de la HAS, c’est remarquable.

Interview réalisée dans le cadre de la Journée des métiers de la FHP-MCO le 22 juin 2022

Liens utiles :

Site DGOS : https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/autorisation-de-mise-sur-le-marche/article/autorisations-temporaires-d-utilisation-atu

Site ANSM : https://ansm.sante.fr/vos-demarches/professionel-de-sante/demande-dautorisation-dacces-compassionnel

Site HAS : https://www.has-sante.fr/jcms/r_1500918/fr/acces-precoce-a-un-medicament

Réglementation relative à l’accès compassionnel :

Réglementation relative aux autorisations d’accès précoce

Tableaux référentiels :

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/xlsx/tableau_codage_par_indication_post-atu.xlsx

https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/autorisation-de-mise-sur-le-marche/article/autorisation-d-acces-precoce-autorisation-d-acces-compassionnel-et-cadre-de

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/xlsx/referentiel_aac_cpc.xlsx