1,2, 3 Questions – Dr Paul GARASSUS

Dr Paul GARASSUS,
Président de l’Union européenne de l’hospitalisation privée (UEHP)

En Allemagne et en France des réformes profondes de financement s’annoncent. Dans quel contexte se présentent-elles ?

En effet, il est étonnant d’observer que quasiment au même moment les deux pays leaders économiques en Europe, la France et l’Allemagne, décident de réformer le financement de leur système de santé hospitalier. En Allemagne, les négociations prendront fin cet été pour une clôture de la réforme en fin d’année. 2024 est annoncée pour la France. Après la crise Covid ayant démontré des deux côtés du Rhin le bénéfice des politiques de soutien financier de l’offre de soins, aujourd’hui l’enjeu est de retrouver l’équilibre budgétaire. Une optimisation des dépenses de soins est attendue tout en améliorant l’accès pour les patients. Des questions de fond se posent : le réseau de soins est-il adapté ? Le coût est-il optimal pour le service rendu à la population ? Ces dépenses sont-elles soutenables ? Sous une pression équivalente, les experts observent ces transformations structurelles dans les deux pays, leur approche, leur méthodologie, les critères posés, et donc la recherche de solutions équivalentes.

Que prévoit la réforme de financement du système de santé allemand ?

L’Allemagne est le pays européen qui propose l’offre de soins avec le plus grand nombre de lits par habitant. La situation est donc différente de celle de la France qui a déjà fait « sa mue » et est en cours de réussir le virage ambulatoire, avec une hospitalisation privée participative et précurseur. L’Allemagne a retardé cette évolution organisationnelle essentiellement présente dans les pays européens du Nord et amorce difficilement de ce fait, ce virage. L’hospitalisation privée allemande est volontaire mais doit faire face à une énorme résistance au changement. Les DMS en Allemagne sont les plus longues dans l’Union Européenne, et la première étape de l’optimisation des dépenses passe par la réduction des coûts d’hébergement. Mais cela heurte les pratiques médicales avec des praticiens – essentiellement dans le secteur public – qui y voient un risque de diminution de la qualité des soins. De plus, le ministère de la santé allemand entend fermer les établissements dont l’activité et le nombre de médecins est en-dessous d’un certain seuil. Ils deviendront des centres de soin sans hébergement. Le gouvernement fédéral veut resserrer l’offre sur des plateaux techniques basés sur un binôme spécialisation et expertise.

Comment les Allemands vont-ils gérer leur territorialité ?

L’autorité fédérale propose pour ne pas dire impose de gérer le système de santé selon des seuils d’activité ayant pour objectif une concentration de l’activité dans des centres experts et donc induire des fermetures. Mais chaque Land, c’est-à-dire région, dispose d’un ministre de la Santé qui pilote la politique régionale sanitaire, elle-même structurée au plus près des Lankreis, les communautés de commune. Comment les politiques fédérales, régionales et territoriales vont-elles se coordonner ? La grande fédération hospitalière (DKG) qui représente tous les établissements de santé quel que soit leur statut a déjà exprimé son opposition à la fermeture des petits hôpitaux. Cette opposition est concordante avec les prises de position de la fédération de l’hospitalisation privée (BDPK) car nombre de ces petits hôpitaux sont privés. Un bras de fer est engagé entre le Ministre Karl Lauterbach et les professionnels de santé, et les relations sont tendues. L’Allemagne a peu de temps pour gagner à sa cause l’acceptation des acteurs de santé et atteindre la maturité politique nécessaire au succès de cette réforme dont l’objectif essentiel est médico-économique. Comment maintenir la qualité mais gagner en efficience ? Il est toujours à déplorer que les acteurs de terrain soient sollicités sous la contrainte d’un agenda politique budgétaire sans participer pleinement aux étapes préalables d’élaboration de réformes qui d’un côté les implique en termes d’organisation, mais de l’autre est le gage de cette efficience pratique attendue de tous.