Dr Christine GODIN BENHAIM, conseillère expert à la mission ministérielle de prévention des infections et de l’antibiorésistance
Quels sont les enjeux de l’antibiorésistance ?
L’antibiorésistance est l’un des dix plus sérieux risques de santé publique selon l’OMS. Cette menace mondiale naît de la surconsommation et du mauvais usage des antibiotiques en santé humaine. Elle impacte l’homme mais aussi la santé animale et l’environnement, par les déchets générés. De plus, la surconsommation et le mauvais usage des antibiotiques favorisent l’émergence de bactéries multirésistantes. Une étude de 2015 dénombre plus de 5 543 décès et 124 000 infections dues à des bactéries antibiorésistantes en France. Le fardeau européen de l’antibiorésistance est celui cumulé de la grippe, du VIH et de la tuberculose. Selon l’OCDE, un euro investi dans la prévention permet d’en économiser sept. C’est pourquoi, depuis plus de 20 ans, la lutte contre l’antibiorésistance est une priorité qui a conduit à l’élaboration en 2016 de la feuille de route interministérielle : One Health. Elle repose sur la lutte contre l’antibiorésistance.
Il est primordial de lutter contre l’antibiorésistance et la transmission d’infections liées aux soins.
Quelles sont les mesures mises en œuvre ?
La stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance a été élaborée suite à la refonte du programme national d’action de prévention des infections associées aux soins (Propias 2015) et à la déclinaison opérationnelle en santé humaine des actions de lutte contre l’antibiorésistance en France. L’implication de tous et à tous les niveaux est nécessaire.
La stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance pour la période 2022-2025 se décline en 9 axes stratégiques et 42 actions, dans les 3 secteurs de soins : en ville, en établissements de santé ou médico-sociaux :
- la gouvernance est basée sur un comité de pilotage des pouvoirs publics et un comité de suivi des parties prenantes ;
- le suivi et l’évaluation reposent sur des indicateurs de suivi pour chaque action et des indicateurs d’impact.
En octobre 2022, une campagne de promotion de Santé publique France, en lien avec la CNAM, a été lancée, ciblant les professionnels de santé et le grand public. Pour le grand-public, outre les campagnes d’affichage, un module internet « antibio’malin » informe sur les infections les plus courantes et le bon usage des antibiotiques. De même, l’ordonnance de non-prescription à la disposition des prescripteurs explique au patient pourquoi les antibiotiques sont inutiles pour certaines pathologies.
En matière de formation, un socle commun de compétences prévention des infections / contrôle de la transmission / antibiothérapie / bon usage des antibiotiques / antibiorésistance, a été élaboré en médecine, pharmacie, maïeutique et soins infirmiers.
Parallèlement, la DGS a saisi différents acteurs nationaux. Ils ont émis des recommandations et guident les praticiens sur la pertinence de la prescription d’antibiothérapie dans les trois secteurs de soins. Par exemple, des travaux sur les antibiogrammes ciblés, menés en collaboration avec la Société de pathologie infectieuse de langue française et l’HAS, devraient être publiés en 2023.
Un dispositif de maillage territorial a été mis en place en région, constitué notamment des CPias (Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins) et les Centres régionaux en antibiothérapie (CRAtb), qui sont en appui des ARS dans la prévention des infections associées aux soins et dans le bon usage des antibiotiques. Au niveau territorial, des équipes multidisciplinaires en antibiothérapie (EMA) se mettent en place avec des missions stratégiques et de conseil sur les prescriptions en antibiothérapie dans les secteurs de la ville, des établissements de santé et des ESMS.
Avec Céline Pulcini, en 2022, nous avons organisé dans toutes les régions, des journées pour accompagner les ARS dans la déclinaison de la stratégie nationale, et notamment recenser les difficultés et identifier des leviers d’action.