1,2,3 Questions – Pierre-Olivier FARENQ

Pierre-Olivier FARENQ, responsable du centre d’appui aux situations d’urgences, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques de l’ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament)

Quels sont les outils pour éviter les points de rupture en matière d’approvisionnement ?

Les missions de l’ANSM sont d’évaluer les signalements de risques de ruptures de stock ou ruptures de stock de médicaments et dispositifs médicaux, d’évaluer et de coordonner, si nécessaire, les actions qui doivent être menées par les laboratoires pharmaceutiques, afin de sécuriser l’accès à ces médicaments pour les patients. Concernant les médicaments, l’action de l’ANSM est concentrée sur les médicaments dénommés MITM (médicaments d’intérêt thérapeutique majeur) dont l’indisponibilité peut entraîner un risque pour la santé. Depuis la loi de finance de la Sécurité sociale de 2020, les industriels sont dans l’obligation, dès lors qu’un médicament est enregistré MITM, de transmettre à l’ANSM le moindre signe ou risque de rupture (article correspondant sur le site de l’ANSM). Depuis, la tendance est à l’augmentation des déclarations de ruptures.

En octobre 2022, l’ANSM avait enregistré une augmentation précoce de la demande en produits de santé destinés à traiter des pathologies hivernales. Nous subissions la triple épidémie de grippe, de Covid et de bronchiolite due notamment au déficit immunitaire causé par les confinements successifs et la levée des gestes barrières. Un défaut d’anticipation de la part des industriels a provoqué de graves tensions sur les produits pédiatriques puis destinés aux adultes. Fort de ce constat, en collaboration avec les instances publiques – ministères, Santé publique France, Assurance maladie – et les représentants des professionnels de santé – médecins, pharmaciens, sociétés savantes -, l’ANSM a élaboré un plan hivernal au printemps 2023. Le plan, déployé dès octobre 2023 sous le pilotage de l’ANSM, permet un suivi via des indicateurs accessibles par les acteurs de santé et le grand public. Le moindre dysfonctionnement entraîne la prise de mesures adéquates.

En novembre 2022, l’ANSM a adressé une charte d’engagement pour un accès équitable des patients aux médicaments au ministre de la Santé. Quel est l’objectif de cette charte ?

L’ANSM a obtenu que tous les acteurs de la chaîne du médicament – producteurs, répartiteurs et pharmaciens – s’accordent sur une charte de bonnes pratiques afin de promouvoir la fluidité et la transparence de l’information, et de garantir qu’en situation de tension aucun comportement ne déroge à une éthique collective. Cette charte ne dispose pas d’un pouvoir de sanction, mais a vocation à responsabiliser l’ensemble des acteurs pour qu’in fine le patient accède à son traitement. Tous les quinze jours, les signataires de la charte ainsi que les représentants des associations de patients, des professionnels de santé et des sociétés savantes, se rencontrent pour évaluer la situation et décider collectivement d’une éventuelle action. Ainsi mi-décembre 2023, sur proposition de l’ANSM, une décision collégiale a incité les industriels à libérer des stocks pour faciliter l’accès aux médicaments sur l’ensemble du territoire.

Quelles sont les tendances du marché du médicament ?

Toutes les classes de médicaments sont concernées par les ruptures de stock ou les risques de rupture. La situation s’est normalisée sur le paracétamol, et sur l’amoxicilline, où les tensions sont liées à une dérégulation du système de distribution. Parmi les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), les médicaments cardiovasculaires, les médicaments du système nerveux, les anti-infectieux et les anti-cancéreux sont plus particulièrement représentés.

Globalement, le sujet des ruptures de stock n’est pas simple. Une vision et une coordination européennes sont essentielles. Les Français sont, au niveau européen, parmi les plus gros consommateurs de médicaments, par conséquent les plus impactés en cas de tension d’approvisionnement. De plus, l’ANSM a lancé en juin 2023, une campagne d’information autour du bon usage des médicaments. Nous ne le répéterons jamais assez, « les médicaments ne sont pas des produits ordinaires, ne les prenons pas à la légère. »

La lutte contre les pénuries en produits de santé nécessite des actions :

  • Sur le volet approvisionnement, pour assurer une couverture des besoins de la part des industriels qui réponde aux demandes des patients.
  • Sur le volet bon usage, pour s’assurer que les patients pour lesquels l’indication de traitement est justifiée, aient à disposition le produit de santé adapté.