1,2,3 Questions – Jean-Carles GRELIER

Jean-Carles Grelier, membre de la commission des Affaires sociales, député de la Sarthe

Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à porter, en octobre 2023, le projet d’une loi de programmation en santé ?

Depuis les ordonnances Juppé de 1996 relatives au financement de la Sécurité sociale, au nom d’impératifs économiques et budgétaires, le système de santé français s’est dégradé. L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) instauré en 1996 est un outil de régulation exclusivement budgétaire qui a appauvri la médecine de ville, l’hospitalisation publique et privée, la recherche et l’innovation en pharmacologie… Le système de santé est au bout de ce que les moyens accordés lui permettent de produire en termes de service et de qualité. Pourtant la santé intéresse les Français, de la néonatalité à la fin de vie. Elle est également un sujet éminemment politique dont la projection ne peut s’inscrire dans une annualité budgétaire. Elle nécessite une programmation pluriannuelle pour disposer de temps de concertation, d’implémentation et d’évaluation.

La proposition de loi de programmation en santé prône une approche globale, lutte contre l’absence de perspectives et la réduction à sa seule dimension budgétaire de la santé des Français.

Quelles sont vos propositions pour améliorer, changer le système ?

Notre proposition de loi préconise une réorganisation du système de santé pour une meilleure réponse à la demande des Français.

Un premier point qui répond à la crise actuelle des vocations pour le secteur de la santé, concerne la formation et la carrière des professionnels du soin. Une durée de vie professionnelle d’un d’infirmier est de 7 ans en moyenne, selon la DREES* et entre 5 et 10 % d’étudiants en médecine arrêtent entre leur admission en 2e année et leur thèse, selon le conseil de l’Ordre. La jeune génération aspire à des carrières moins linéaires – salariat, recherche, secteur public ou privé… -, et surtout évolutives. Le système doit impérativement s’adapter pour donner des perspectives à ces jeunes professionnels qui forment la relève.

Le projet de loi de programmation en santé inscrit l’obligation des ARS de créer des délégations départementales investies de compétences déléguées et d’une gestion directe pour qu’elles soient un interlocuteur de proximité compétent. L’octroi d’une plus grande autonomie aux établissements favoriserait l’intelligence de terrain, indispensable à la mise en place d’un service public de santé réunissant l’ensemble des acteurs, de tous statuts, en bonne complémentarité.

Il y a également urgence à réformer le financement de notre système de santé. Menacée dans sa pérennité, la Sécurité sociale, dont le budget ne cesse d’augmenter chaque année, ne fonctionne que grâce au soutien financier de l’État. Le déremboursement des dépenses de l’Assurance maladie et leur transfert aux organismes mutualistes de financement éloignent certains Français du soin. Nous devons trouver des sources de financement nouvelles, différentes et innovantes pour préserver notre système de santé.

De même, une place importante à la prévention et à l’éducation à la santé doit être accordée. Aujourd’hui, les maladies chroniques représentent 60 % des dépenses d’Assurance maladie alors qu’elles concernent 35 % des assurés**, essentiellement parce que nous ne disposons pas d’une politique de prévention efficace, qui doit être organisée sur le long terme et non contrainte par une annualité budgétaire.

La psychiatrie et la santé mentale sont un autre domaine de la santé en France particulièrement en souffrance. Le nombre de Français en errance thérapeutique pour des pathologies mentales a augmenté de manière significative après la crise Covid et des lits d’hospitalisation en psychiatrie sont régulièrement fermés, faute de praticiens. La prise en charge de la maladie mentale devrait bénéficier de la même priorité que le plan cancer, c’est ce que nous soutenons.

Quelles sont les prochaines étapes à votre proposition de loi de programmation en santé ?

Publié en novembre 2023, le remaniement ministériel a stoppé sa présentation au ministre de la Santé afin de l’inscrire à l’ordre du jour de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Dès la désignation d’un ministre délégué ou du ministre délégué chargé des questions de santé physique, je soumettrai ce texte.

Dans ses tribunes et ses prises de paroles, le monde de la santé appelle de ses vœux une loi de programmation pluriannuelle en santé. Le moment est venu d’avoir le regard qui porte à cinq, dix, quinze, vingt ans…

* Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
** Source : rapport Charges et Produits 2019- CNAM