Dr Jean LEONETTI, médecin et auteur des lois françaises de 2005 et 2016 encadrant les droits des patients en fin de vie, ancien député, ancien ministre et maire d’Antibes Juan-les-Pins.
Mi-mars 2025, vous êtes intervenu à la Commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (CISAD) du Conseil national, dans le cadre de l’examen du projet de loi visant à garantir l’accès aux soins palliatifs pour les patients en phase avancée ou terminale d’une maladie grave et du projet de loi sur la fin de vie. Pourquoi est-il nécessaire de légiférer à nouveau sur ce sujet ?
Doit-on ou non donner la mort à une personne en souffrance qui la demande ? Voilà la seule question qui, si on répond par l’affirmative, doit avoir une réponse législative. Pour développer les soins palliatifs et combler notre retard dans ce domaine (20 départements sont dépourvus d’unités de soins palliatifs) il n’y a pas besoin d’une loi mais de moyens et de volonté politique. Or la prise en charge en soins palliatifs éteint la demande de mort. La création de soins palliatifs est le préalable à toute législation pour faire en sorte que les Français soient égaux devant la loi et devant la mort.
Quels sont les enjeux éthiques, médicaux et législatifs de l’aide à mourir en soins palliatifs ?
Les enjeux sont importants car donner l’autorisation de donner la mort à une personne qui la réclame crée une triple rupture. Une rupture médicale car donner la mort n’est pas un soin, elle y met même fin. Une rupture législative, il faut dépénaliser l’homicide dans cette circonstance et une rupture anthropologique, donner la mort à autrui est une rupture avec un fondamental éthique et constitue une transgression majeure.
Les soins palliatifs, quant à eux, se définissent par « ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire ». Cette éthique de la vulnérabilité trouve sa pleine expression dans une médecine de l’accompagnement de « non souffrance » et de « non abandon ».
Les soins palliatifs considèrent que la fin de vie c’est encore la vie. C’est pourquoi, ils se trouvent en contradiction avec l’euthanasie.
Que voudriez-vous absolument voir apparaître dans ces textes ?
Je ne voudrais surtout pas voir apparaître un droit opposable à la mort qui serait un pendant d’un droit opposable à la vie. Se donner la mort est un droit de liberté individuelle, préserver la vie est un droit-créance collectif. Bien sûr, on proposera, je l’espère, des critères restrictifs pour obtenir ce droit, en particulier, un pronostic vital engagé. On sait cependant que dans les pays engagés dans cette voie, le cadre est devenu progressivement plus permissif. Je crains alors, au nom de la liberté, d’ouvrir largement la possibilité de donner la mort aux plus vulnérables.