1,2,3 Questions – Dr Claire FOURCADE

Dr Claire FOURCADE, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP)

Interview réalisée en avril 2025

Comment la SFAP organise-t-elle sa réflexion sur les soins palliatifs et l’accompagnement de l’aide à mourir ?

Les soins palliatifs sont, par nature, pluridisciplinaires. C’est pourquoi la SFAP, société savante fondée il y a trente ans, repose elle-même sur une organisation pluridisciplinaire. Elle est structurée en huit collèges représentant les différents acteurs concernés : soins infirmiers, médecins, bénévoles, travailleurs sociaux, psychologues, usagers et personnes qualifiées, autres professionnels du soin, collectifs de professionnels de santé…

En complément, la SFAP s’appuie sur des groupes de travail, tous constitués de manière pluridisciplinaire. Ainsi, l’ensemble des réflexions et des productions de la SFAP reflètent cette richesse de points de vue et cette diversité d’approches.

Pourquoi de nouvelles lois sur les soins palliatifs et l’aide à mourir ?

Pour la SFAP, une nouvelle loi n’était pas nécessaire. Nous souhaitions l’application des quatre lois existantes : loi de 1999, de 2002, Leonetti de 2005 puis celle de 2016. La France dispose d’un corpus législatif riche, mais largement méconnu du grand public et insuffisamment appliqué. C’est pourquoi, dans un premier temps, la SFAP appelle à la diffusion d’une information pédagogique et à l’application de ces lois, qui permettent d’accompagner la grande majorité des personnes en fin de vie.

En juin 2023, la Cour des comptes publiait un rapport indiquant que seuls 50 % des patients qui en auraient besoin bénéficient d’un accompagnement en soins palliatifs. Cela signifie que chaque jour, environ 500 personnes meurent sans avoir reçu les soins nécessaires, et 500 familles vivent ce moment sans le soutien adapté, dans des conditions qui auraient pu être plus apaisées.

Les Français connaissent mal les possibilités d’accompagnement en fin de vie. Les pouvoirs publics mènent régulièrement des campagnes sur l’antibiorésistance, la sécurité routière ou les dangers de l’alcool… mais rien sur les soins palliatifs. Pourtant, parler de la mort ne fait pas mourir. Ces campagnes contribueraient à mieux faire connaître ce sujet délicat.

On ne soigne pas avec des lois, mais avec des moyens humains. C’est pourquoi nous avons besoin de former davantage les soignants et d’informer la population.

Qu’aimerait voir la SFAP dans les textes sur la fin de vie et les soins palliatifs ?

En 2025, le projet de loi sur la fin de vie initialement présenté en 2024 a été scindé en deux textes distincts. Pour la SFAP, cette séparation est essentielle.

La loi sur les soins palliatifs, relativement consensuelle, a été adoptée à l’unanimité par la commission des Affaires sociales. Il est fort probable qu’elle le soit également dans l’hémicycle. À l’inverse, la loi portant sur le suicide assisté et l’euthanasie est beaucoup plus clivante. Il est donc indispensable que les députés se prononcent séparément sur ces deux textes, afin que le consensus autour des soins palliatifs ne masque pas les divergences sur les questions de suicide assisté et d’euthanasie.

La loi relative aux soins palliatifs prévoit un renforcement de la formation des soignants, ainsi que la création de maisons d’accompagnement pour les personnes ne pouvant rester à domicile. Un type de structure qui faisait défaut dans la pratique actuelle.

Le texte concernant le suicide assisté et l’euthanasie amorce son parcours à la commission des Affaires sociales. Deux amendements y ont déjà été adoptés, reconnaissant un droit d’accès à l’aide à mourir — par suicide assisté ou euthanasie — en laissant le choix au patient. Il est important de rappeler que dans le cas du suicide assisté, le geste est accompli par le patient lui-même, tandis que pour l’euthanasie, l’acte est réalisé par un tiers (médecin ou infirmier volontaire).

La SFAP insiste sur la nécessité de préserver la relation de soin. Le rôle du médecin est d’écouter et d’accompagner le patient, dont les demandes sont évolutives, nuancées et complexes. C’est pourquoi la SFAP demande que, si euthanasie il y a, elle soit pratiquée uniquement par un soignant volontaire, spécifiquement formé et accompagné. Le texte actuel prévoit que, en l’absence de soignant volontaire, le directeur de l’établissement devra recruter un professionnel qui accepte de réaliser cet acte.

Dans la version actuelle du projet de loi, les critères d’accès au suicide assisté ou à l’euthanasie restent flous et la notion de « délit d’entrave » soulève des interrogations quant à son impact potentiel sur les politiques et pratiques de prévention du suicide. Ces éléments doivent être clarifiés pour garantir une loi applicable.

Enfin, la fin de vie ne relève pas uniquement des soins palliatifs. La SFAP a élargi sa réflexion sur la fin de vie à l’ensemble des professionnels du soin. Ce travail s’est concrétisé par la création du collectif : Soins de vie, qui réunit 26 organisations professionnelles auxquelles des axes de réflexion et des contributions écrites sont proposées.