1,2,3 Questions – Marine JEANTET

Marine JEANTET, directrice générale de l’Agence de la biomédecine

En avril, l’Agence de biomédecine a publié son rapport d’activité 2024. Quel est le bilan des actions menées ?

L’Agence de la biomédecine est chargée de la mise en œuvre et du suivi du plan greffe national, notamment par l’animation du collectif en santé dédié à la greffe d’organes et de tissus. Ses missions comprennent l’accompagnement du prélèvement, l’attribution des organes dans le respect de l’équité entre les citoyens inscrits sur la liste des demandeurs, ainsi que le suivi de la qualité des greffes. En raison de cette activité historique — la greffe d’organes et de tissus — l’Agence de la biomédecine collabore principalement avec les établissements publics qui sont les seuls établissements autorisés à la greffe d’organes.

En 2024, le nombre de greffes d’organes a retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire liée au Covid, atteignant 6 000 greffes. Ce chiffre reste toutefois inférieur au nombre de personnes en attente, actuellement estimé à 11 000. Néanmoins, en 2024, la progression de la liste d’attente semble s’être stabilisée.

S’agissant du don et de la greffe de moelle osseuse (de cellules souches hématopoïétiques, CSH), l’Agence gère un registre national interconnecté à 73 registres internationaux. Le nombre de greffes étant en hausse en France, la base de données des donneurs, qui compte actuellement 40 millions de donneurs volontaires mondialement, doit continuer de s’étoffer.

Enfin, en ce qui concerne les autres activités liées aux cellules souches hématopoïétiques (CSH), l’Agence de la biomédecine accompagne le développement de thérapies innovantes appelées à se déployer dans les années à venir.

Quels sont les enjeux de l’activité de don d’organes ?

En matière de don d’organes, le principal enjeu est de répondre aux besoins de santé publique qui ne cessent de croître et donc d’avoir plus de donneurs d’organes pour pouvoir greffer plus de patients en attente. Cela s’avère d’autant plus crucial que le taux d’opposition des familles – dont la moyenne nationale atteint 37 % – reste élevé, alors même que 80 % des Français se déclarent favorables au don d’organes. Il est de notre responsabilité de promouvoir la culture du don et d’encourager chacun à dialoguer avec ses proches, afin d’exprimer clairement sa position et d’assurer le respect de cette volonté.

D’ailleurs, comme chaque année, le 22 juin prochain sera la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, et de reconnaissance aux donneurs. Ce sera le moment de rappeler à ses proches que l’on est donneur !

Tant que la xénotransplantation reste au stade de la recherche, la solidarité entre êtres humains doit être au cœur de notre action en matière de don d’organes.

L’avis des soignants est fondamental en termes de don d’organes. C’est pourquoi l’Agence de la biomédecine mènera une enquête auprès de l’ensemble des établissements disposant d’une coordination hospitalière de prélèvement pour recueillir leur propre position sur le don d’organes afin d’envisager, le cas échéant, des formations dédiées.

Quelles sont les nouvelles activités développées par l’Agence de biomédecine actuellement ?

Deux activités sont en pleine expansion : l’aide médicale à la procréation (AMP) et le séquençage génétique.

Depuis la loi de bioéthique de 2021, qui a ouvert l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes, la demande a été multipliée par 8,5. Actuellement, les dons de gamètes sont réalisés dans le secteur public, tandis que les implantations sont majoritairement effectuées dans le secteur privé. C’est pourquoi, en collaboration avec les professionnels, l’Agence de la biomédecine réfléchit à la fluidification et à l’optimisation des parcours de soins. Un système d’information centralisé, visant à éviter les errances, les pertes de temps et à garantir une meilleure équité territoriale, a été proposé au ministère de la Santé.

Par ailleurs, le séquençage génétique est en passe d’évoluer de la recherche fondamentale aux pratiques de soins. L’Agence de la biomédecine doit anticiper l’organisation des parcours de soins alors qu’à l’échelle internationale, la France accuse un retard en matière de réflexion éthique et de cadre réglementaire. Le séquençage génétique pose de multiples questions : comment gérer l’accès aux informations, comment administrer les données… Des questions auxquelles il faudra répondre avant l’adoption de la prochaine loi de bioéthique, prévue pour 2027. C’est pourquoi, l’Agence de la biomédecine, en lien avec les professionnels de santé et les agences régionales de santé (ARS), conduit une réflexion visant à établir un cadre et des parcours de soins génétiques.