1,2,3 Questions – Dr Patrick GASSER et Dr Philippe CUQ

Dr Patrick GASSER, président de Avenir Spé, et Dr Philippe CUQ, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF)

Que retenir de la Journée des métiers de la FHP-MCO, qui s’est tenue le 12 juin 2025, et dont le fil conducteur était « vivre ensemble » ?

PG : Travailler ensemble implique de construire de nouvelles méthodes d’exercice afin d’atteindre une logique de gagnant-gagnant. Les difficultés actuelles, en particulier les tensions tarifaires, révèlent des divergences, alors que nous devrions avancer collectivement.

PC : Le thème du travailler ensemble, autrement dit « ensemble, nous sommes meilleurs et plus performants », est central. Cependant, je souhaite nuancer ce propos par une remarque : il y a trente ans, des médecins étaient propriétaires de leur établissement de santé. Aujourd’hui, ces établissements appartiennent majoritairement à des groupes financiers. Cette évolution change profondément les équilibres. Les médecins libéraux font face à des problématiques spécifiques, directement liées à leur activité. Malgré ces évolutions, travailler ensemble reste fondamental. Cette démarche s’inscrit dans une logique gagnant-gagnant.

Quelle convergence d’intérêts entre l’assurance des médecins, des établissements et les sociétés d’assurance ?

PG : En matière d’assurance de la pratique médicale et des établissements de santé, il est essentiel que le praticien conserve la liberté de choisir une assurance indépendante de celle de son établissement, afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Plus nous avancerons collectivement dans la même direction — sécurité des soins, mise en œuvre de check-lists, démarches qualité — moins nous aurons de litiges et de contentieux. L’assureur joue un rôle fondamental : il doit former et informer ses assurés. C’est également sa responsabilité d’accompagner les soignants dans une meilleure gestion des risques, dans le but de réduire la sinistralité.

PC : L’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) est, pour le praticien, un choix individuel essentiel. L’assureur est un partenaire de confiance, qui accompagne au quotidien et aide à trouver des solutions en cas de difficultés. Le praticien et l’établissement peuvent avoir le même assureur, à condition que le libre choix du médecin soit respecté. En revanche, une convergence est nécessaire en matière de prévention. Tous les acteurs — praticiens, établissements et assureurs — doivent se mobiliser ensemble pour réduire les risques et éviter les accidents.

​​Certification des établissements et accréditation des médecins, comment collaborer ?

PG : Demain, nous devrions pouvoir demander à l’ensemble des praticiens une accréditation dans le cadre de la certification de leur établissement, et non plus uniquement aux spécialités dites à risques. Plus nous progresserons vers une accréditation généralisée, plus nous renforcerons la qualité de la prise en charge et contribuerons à la réduction de la sinistralité. L’acculturation et la transparence sont des leviers essentiels. Pour garantir une prise en charge optimale de la population, nous devons, en toute transparence, communiquer sur notre pratique professionnelle.

PC : Depuis 2006, les spécialités chirurgicales, en particulier, sont engagées dans une démarche d’accréditation, qui comprend également un volet économique. Toutefois, l’hôpital rencontre des difficultés à s’approprier cette notion. Nous sommes favorables à l’accréditation, mais en ce qui concerne la certification des médecins, les versions successives ne font qu’alourdir le dispositif. À force de complexifier les procédures, nous prenons le risque de fragiliser, voire de tuer le système. La HAS doit opérer un tri et engager une simplification, essentiels à la survie et à l’efficacité du système, qui est aujourd’hui absente de l’approche administrative.

Quelles cohérences préconisez-vous entre le financement des médecins et des établissements de santé ?

PG : J’ai déjà exprimé des inquiétudes quant aux propositions à venir du ministère de la Santé et de la CNAM. Selon moi, le socle indispensable est la pertinence des soins et la transparence de l’activité. Par ailleurs, une acculturation à la compréhension des difficultés financières propres à certaines activités — notamment en gynécologie-obstétrique et en santé mentale — est nécessaire. L’administration et les établissements doivent prendre en compte nos priorités. Sans un engagement fort en faveur de la pertinence des soins, nous ne serons pas en mesure de garantir à l’ensemble de la population des prises en charge équitables et expertes, ni un accès aux médicaments et aux innovations.

PC : Le sujet du financement ne peut être dissocié de celui de la campagne tarifaire de mars, qui conditionne le fonctionnement des cliniques. Il est important de rappeler que tarif et financement ne sont pas synonymes. Les GHS relèvent des tarifs, et sur ce point, les médecins et les établissements ne sont plus ensemble. Nous devrions pouvoir discuter ensemble des tarifs, car certaines installations ou équipements sont aujourd’hui financés directement par les honoraires des médecins. Il est souvent plus simple pour une clinique de solliciter un financement auprès des praticiens que de demander au ministère de la Santé une revalorisation des tarifs GHS. C’est une réalité regrettable — et je déplore que cette question n’ait pas été abordée plus clairement. L’Union des chirurgiens de France (UCDF) a proposé l’organisation d’une conférence de consensus sur les tarifs, réunissant les payeurs, les professionnels de santé, les établissements et les utilisateurs. Nous devrions décider de manière consensuelle les tarifs alors que les établissements attendent des tarifs qui accusent du retard. Nous avons besoin de plateformes d’échange pour faire émerger un modèle gagnant-gagnant.