Hervé RAOUL, directeur adjoint de l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites virales, la tuberculose, les IST et les maladies infectieuses et émergentes (ANRS MIE)
En mars 2025, EMERGEN 2.0 a été lancé, pouvez-vous revenir sur la genèse de ce dispositif ?
Tout a commencé avec la pandémie de Covid. La France n’était alors en capacité de réaliser que quelques milliers de séquençages de virus circulants par an, alors qu’elle avait besoin d’informations à plus grande échelle pour suivre l’évolution métagénomique des variants. C’est pourquoi Santé publique France (SPF) et l’ANRS MIE ont mis en place un dispositif destiné à fournir des analyses génomiques de l’ensemble des variants.
Cette collaboration a permis, d’une part de mobiliser au sein d’un même consortium le réseau des laboratoires de référence de SPF, le réseau des laboratoires de virologie de l’ANRS MIE, des plateformes nationales de séquençage à haut débit, une grande plateforme nationale de bioinformatique, ainsi que la communauté scientifique capable de réaliser l’analyse des données de métagénomiques. D’autre part, elle a mis à profit la capacité de l’ANRS MIE à soutenir des projets de recherche identifiés par la communauté scientifique. L’objectif d’EMERGEN était de répondre aux besoins sanitaires et de tenir informés les pouvoirs publics.
L’organisation EMERGEN repose sur un circuit d’activité allant du prélèvement à l’analyse des données de génomique. EMERGEN répond à deux préoccupations majeures : produire et utiliser les données pour suivre et modéliser les évolutions métagénomiques et associer les experts capables d’évaluer l’efficacité des dispositifs de réponse.
Bien que lancé dans l’urgence, EMERGEN a permis de passer d’une capacité de production et d’analyse annuelle de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers de séquences, et de suivre et modéliser l’évolution de la pandémie.
Quelles sont les particularités de EMERGEN 2.0 ?
Dans le cadre de la stratégie sur les maladies émergentes portée par France 2030, il a été décidé de stabiliser les plateformes et les structures mises en place durant la pandémie de Covid. Dans ce cadre, l’ANSES, Santé publique France et l’ANRS MIE ont lancé EMERGEN 2.0, en élargissant le champ d’étude à l’ensemble des maladies infectieuses émergentes.
Le kick-off meeting d’EMERGEN 2.0 s’est tenu en mars 2025. Les activités du programme s’orientent désormais vers la recherche et l’amélioration du dispositif de surveillance métagénomique. Avec l’intégration de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour les volets animal et environnemental, la notion de « Une seule santé » (One Health) a été intégrée.
EMERGEN 2.0 conserve son dispositif initial. Si les travaux se poursuivent en collaboration avec le Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires, la collaboration a été étendue à l’ensemble des CNR sous la tutelle de SPF et des LNR de l’ANSES. Par ailleurs, le nombre des plateformes de séquençage à haut débit a été renforcé avec l’intégration de nouveaux acteurs. De plus, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – dont l’ANRS MIE est une agence autonome -, a créé une unité mixte, basée à Marseille. Cette unité, constitue la nouvelle plateforme de bioinformatique du dispositif chargé du stockage des données et du développement d’outils analytiques mis à la disposition de la communauté scientifique, tant nationale qu’internationale.
Grâce au dispositif EMERGEN, l’ANRS MIE conforte son rôle d’acteur de la préparation aux pandémies, à travers la recherche au service de la surveillance métagénomique et de l’éclairage qu’elle apporte aux actions de santé publique.