Rapport de la CNAM : entre adhésion et incompréhension

Dans un contexte de déficit estimé à 16 milliards d’euros en 2025, pouvant se creuser encore davantage à horizon 2030 pour atteindre 41 milliards d’euros, l’Assurance Maladie a présenté son rapport Charges et Produits pour 2026, un document annuel stratégique fort attendu par les décideurs en santé et par les parlementaires pour éclairer leur débat sur le PLFSS 2026. La CNAM présente 60 propositions pour « définir un horizon économique viable ». Elles emportent notre adhésion pour certaines, et génèrent de l’incompréhension, pour d’autres.

Quatre propositions soulèvent les questions de la transparence et d’une équité dans l’approche et dans le traitement des acteurs. Ces propositions visent à établir la transparence totale sur les situations de rentes économiques (31), à en prévenir la constitution en faisant évoluer la tarification des actes et forfaits versés aux professionnels de santé (32), et à baisser les tarifs des secteurs présentant un très haut niveau de rentabilité. Nous avons toujours porté la transparence et l’équité du système de santé, mais ces valeurs doivent s’appliquer réciproquement. Quels sont les montants des dotations (FIR, ex Migac…) allouées à chaque établissement de santé, la transparence s’applique aussi à ce type de financement ? Rappelons également que certains tarifs n’ont pas pris en compte les évolutions des pratiques (consommables des robots par exemple), leur niveau tarifaire étant insuffisant pour couvrir les charges attachées. Il est urgent que les évolutions des coûts de ces nouvelles de pratiques soient prises en compte dans la détermination des tarifs. Les 20 % de différentiel non expliqués entre les grilles tarifaires des secteurs public et privé peuvent être aussi une source d’efficience. De même, la proposition 35 veut éviter les conséquences des erreurs de gestion d’un acteur privé. Est-ce une proposition à charge des acteurs privés ou parle-t-on aussi d’erreurs de l’État et de l’Assurance maladie dans leur gestion, notamment dans l’insuffisance des tarifs des maternités par exemple ? Rappelons que si l’activité du secteur privé sanitaire était transférée vers le public avec les écarts de tarifs existants, cela concourrait à accroître le déficit de l’Assurance Maladie de 5,7 milliards d’euros.

Des propositions permettront de mieux informer afin de responsabiliser chacun. Un engagement (proposition 36) serait pris par l’Assurance Maladie d’informer chaque assuré sur ce qu’elle a réellement investi pour sa consommation de soins (campagnes sur le coût d’un accouchement, une nuit à l’hôpital, etc.). De même, les professionnels de santé eux-mêmes seraient invités à partager des informations sur leurs pratiques en se comparant à leurs pairs (proposition 37).

Des propositions de bon sens comme l’éventuelle accroissement de l’enveloppe Ifaq (proposition 46), si et seulement si, distribuée au mérite, ou encore un nouveau dispositif d’intéressement des établissements afin de partager les gains réalisés en matière de prescriptions hospitalières exécutées en ville (proposition 45), soutiendraient la quête d’efficience.

En termes d’organisation, trois propositions suscitent notre interrogation. La proposition 34 veut revoir la régulation territoriale concernant notamment les équipements médicaux lourds, alors même que de nouveaux textes sur les autorisations d’imagerie ont été publiés en septembre 2022 et les schémas régionaux révisés. Quel est l’attendu d’une telle proposition ?

Par ailleurs, la proposition 47 demande à transférer aux établissements de santé le budget des transports des patients dialysés dont ils auraient désormais la gestion. Notons qu’un simple transfert n’est pas envisageable sans avoir une vision globale du dossier, y compris sur les éléments organisationnels.

La proposition 18 vise à réussir la deuxième vague de la chirurgie ambulatoire et ouvrir le champ de « la chirurgie hors bloc ». L’hospitalisation privée démarre déjà sa troisième vague d’engagement et démontre qu’une mutation vers une chirurgie ambulatoire est possible. En revanche, nous ignorons ce qu’est la chirurgie « hors bloc ». S’oriente-t-on vers une chirurgie, des blocs et des établissements de santé à deux vitesses ? À qui s’adresse la proposition 19 qui rappelle le respect des seuils existants d’activité minimum pour réaliser certaines activités de chirurgie ? Aux régulateurs que sont les ARS ?

Enfin, réjouissons-nous que la proposition 48 souhaite revoir le financement actuel de l’activité libérale des praticiens hospitaliers en établissement public que nous dénonçons depuis des années.

D’un point de vue systémique, il est intéressant de noter que la proposition 59 pose sur la table le sujet de la place des différents acteurs de financement des assurances obligatoire et complémentaire, et ouvre un chantier nécessaire.

La FHP-MCO exprime ainsi ses incompréhensions et ses positions de façon circonstanciée.