Vers une chirurgie à deux vitesses ?

Dans un contexte réglementaire profondément renouvelé par les décrets de décembre 2022, les établissements de santé reçoivent aujourd’hui une sollicitation étonnante. À la demande de la DGOS, avec le soutien des ARS, l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) engage une enquête pour recenser les actes chirurgicaux réalisés hors bloc opératoire principal : salles de soins externes, unités interventionnelles, ou tout autre lieu.

Sur le fond, cette enquête semble s’écarter de l’objectif central des textes récents : renforcer la qualité, la sécurité et l’uniformité des pratiques chirurgicales. Les décrets de décembre 2022 définissent précisément ce qu’est un secteur interventionnel : organisation, pilotage, surveillance des fonctions vitales, accès sécurisé, protocoles documentés… Ces exigences ont été construites de manière concertée, au sein d’un groupe de travail auquel nous avons activement participé. Elles ont également trouvé leur traduction dans les schémas régionaux d’organisation des soins et dans les nouveaux cahiers des charges publiés courant 2025.

Comment, dans ce contexte, justifier ce recensement des pratiques en dehors du cadre réglementaire ? Quelle légitimité pour des activités chirurgicales qui ne respectent pas les conditions techniques de fonctionnement exigées et qui pourraient être exercées en dehors de tout cadre réglementaire, visite de conformité, certification… ? Quelle équité entre établissements qui respectent strictement la réglementation basée sur les attendus en matière de qualité et sécurité des soins et ceux qui s’en affranchiraient ? Comment intégrer ces pratiques aux schémas régionaux sans affaiblir leur portée ni créer des exceptions injustifiées ?

Sur la forme, cette enquête contourne les instances de concertation qui ont permis l’élaboration rigoureuse des textes récents. Elle arrive sans préavis, sans discussion préalable, et bouleverse l’approche consensuelle que le secteur s’efforce de bâtir depuis plusieurs années.

Nous affirmons avec clarté : les établissements de santé privés respectent la réglementation, et les actes chirurgicaux sont réalisés dans les secteurs interventionnels définis par les textes. Répondre à cette enquête, c’est reconnaître implicitement une activité potentiellement en marge du droit. C’est aussi accepter l’idée d’une chirurgie à deux vitesses : une conforme aux exigences de sécurité, l’autre non, mais tolérée.

Nous appelons donc tous les établissements à réaffirmer leur engagement à respecter les décrets de décembre 2022, et à interpeller les autorités sur les risques d’une telle initiative.

L’avenir de la chirurgie en France se construit autour de l’excellence, de la transparence et du respect des règles communes. Ce n’est pas simplement une question d’organisation, c’est une question de confiance, de sécurité et d’éthique.