Trois questions à Olivier Jourdain

Olivier jourdain, Gynécologue-ostétricien à la Polyclinique Jean villar à Bruges (33), Pilote du Forum de la naissance

Le Forum de la naissance est contre la création des maisons de naissance, pourquoi ?
Le Forum de la naissance s’oppose à la création de maisons de naissance en dehors des structures hospitalières. Les chiffres disponibles sur les taux de transferts très élevés de parturientes des maisons de naissance vers des maternités (32% en Suède, 25,6% aux Pays Bas) montrent bien qu’elles sont, pour la sécurité et le confort de l’enfant et de la maman, inacceptables. D’autre part, il serait bon de définir au préalable ce qu’est la notion de « bas risque ». En situation d’accouchement qu’est-ce que cela signifie ? Quels en seraient les coûts pour la sécurité sociale ? Nous pensons qu’il est important de réunir autour de la table tous les acteurs de la naissance, sages-femmes libérales y compris, pour soutenir un projet commun parce-que des maisons de naissance sans collaboration cohérente avec des médecins sont vouées à l’échec. Seule la coopération d’équipes pluridisciplinaires ayant réfléchi à des modèles de prestations plus ouverts, qui ont signé des conventions peut permettre à un établissement d’élargir son offre de soin en ce qui concerne la naissance et ainsi satisfaire tous les besoins, en toute sécurité. De nombreux pays ont mis en place des maisons de naissance, non pas pour le confort des mamans, mais par souci d’économie ou pour masquer le manque de gynécologues-obstétriciens ! Si c’est cela la finalité du projet, alors c’est une vraie régression.

Qu’est-ce qui justifie les insistances du ministère de la santé pour réintroduire cet article prévoyant l’expérimentation des maisons de naissance, malgré la décision de la commission des affaires sociales fin octobre de le supprimer?
Les pouvoirs publics sont très sensibles aux actions menées par des associations d’usagers qui militent pour la création de maisons de naissance, pour la démédicalisation des accouchements. Le lobby des sages-femmes est aussi très puissant de même que celui des assureurs. Face à eux, les actions menées par les quelque 1200 gynécologues-obstétriciens ne trouvent pas la résonance escomptée auprès de nos dirigeants.

Que proposent les professionnels de la naissance pour répondre à l’attente des futures mamans en matière d’accouchement moins médicalisé ?
Il faut avant tout faire amende honorable. La profession a dans les années 90 beaucoup misé sur l’aspect technique de la naissance avec des maternités et des plateaux techniques ultra-modernes, ce que j’appelle une surenchère d’affichage. La technicité et la sécurité au détriment parfois de l’humanité. Or, c’est justement vers ce dernier point qu’il faut que l’on évolue car les attentes des futures mamans ont changé. Il faut que les maternités soient plus souples et puisse tout proposer, aussi bien des accouchements physiologiques suivis principalement par des sages-femmes que des accouchements un peu plus médicalisés avec anesthésie car une grande majorité des mamans demandent une péridurale, parfois en cours de travail. Nous envisageons donc plusieurs options pour y parvenir, comme par exemple l’intervention de sages-femmes libérales sur les plateaux techniques existants, mais nous nous heurtons à des questions d’ordre juridique, tarifaire ainsi que des problèmes de responsabilité civile pour lesquels nous n’avons pas encore trouvé de solutions pérennes. Les grilles tarifaires actuelles ne prévoient pas du tout ces cas de figure. Un médecin de garde qui intervient dans le cadre d’un accouchement réalisé par une sage-femme libérale doit être logiquement rémunéré ! Il faut également rémunérer l’établissement, le plateau technique en cas de problème. Le système tarifaire actuel met en opposition les intervenants de la naissance, voire joue sur les dissensions et nous empêche de trouver des solutions.