Comment préserver la santé mentale des soignants ?

Rythme de travail soutenu, horaires décalés, exigences des patients toujours plus nombreuses voire parfois agressifs, épidémie de Covid-19, de Monkey Pox ou encore de bronchiolite… les soignants sont mis à rude épreuve lors de leurs journées de travail. S’ils exercent leur métier pour le plus grand nombre par vocation, le rythme intense et les pics épidémiques ne sont pas sans incidence. Comment vont les soignants ? Qu’en est-il de leur santé mentale ? Quels sont les dispositifs mis en place pour les accompagner ? Faisons le point.

Les chiffres qui interpellent  

Depuis plus de deux ans, la pandémie de Covid-19 a mis à mal l’ensemble des soignants qui ont dû faire face à l’inconnu, à une impressionnante vague de décès, a beaucoup de stress et d’anxiété, mais aussi à une importante surcharge de travail.

Elle a aussi été révélatrice de nombreux dysfonctionnements organisationnels ainsi que d’un manque d’effectif certain. Selon un nouveau rapport du Sommet mondial de l’innovation pour la santé (World innovation for Health, WISH) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les répercussions sur le moral des soignants sont aujourd’hui nombreuses :

  • Au moins un quart d’entre eux ont présenté des signes d’anxiété (23 à 46%) ;
  • De dépression (20 à 37%) ;
  • Et/ou des symptômes d’épuisement professionnel (41 à 52%).

Et ce ne sont pas les seuls ! Les étudiants en médecine sont également de plus en plus à être touché par le stress, l’anxiété, la dépression et le burn-out. Une enquête menée par les associations d’étudiants en médecine (ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France), ISNAR-IMG (Inter syndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale) et l’ISNI (Inter syndicale nationale des internes)), en lien avec l’ISNCCA (l’Inter syndicat national des chefs de clinique assistant, désormais renommé « Jeunes médecins ») révèle que :

  • 62% des étudiants présentent des symptômes anxieux ;
  • 28% des symptômes dépressifs ;
  • 23% ont des idées suicidaires.

La santé mentale est pourtant une composante essentielle d’une bonne santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

Quelles sont les sources d’usure ?  

De nombreux facteurs peuvent impacter la santé mentale des soignants, à savoir :

  • La pénibilité du travail. Les contraintes horaires, les sollicitations physiques nécessaires pour manipuler les patients, la fatigue…
  • Le service dans lequel ils exercent. La gériatrie, les soins palliatifs, l’oncologie sont, par exemple, des unités où les soignants sont particulièrement concernés par le décès de patients. Leur empathie envers ces derniers les conduit parfois à s’attacher. Lorsqu’ils les « perdent », ils font face à une vague de tristesse, de pessimisme. Ce mélange d’émotions, cumulée sur le long terme, influe sur leur santé mentale.
  • Les impératifs de prise en charge des patients. Les établissements hospitaliers sont actuellement sous tensions en raison de pénurie de personnels soignants.

La santé mentale est aujourd’hui un enjeu prioritaire de santé publique

Elle est au cœur des préoccupations ! Plusieurs programmes et actions ont notamment été mis en place à destination du grand public pour informer, écouter, dépister et prendre en charge. À savoir :

  • Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Organisé en septembre 2021. Cet événement a permis de dresser un état des lieux de la prise en charge de la santé mentale des Français, de l’offre de soins en psychiatrie et de l’accompagnement qui leur est proposé.
  • Le programme « MonPsy » qui propose depuis le mois d’avril 2022, un remboursement des séances avec des psychologues.

Des dispositifs à destination des soignants ont également été instaurés pendant et après la pandémie de Covid-19 comme :

  • Un numéro vert mis en place par le ministère des Solidarités et de la Santé, avec des psychologues hospitaliers bénévoles. Ouvert 7j/7 de 8 h à minuit, à destination de tous les soignants (en milieu hospitalier, médico-social, libéral ou qu’ils soient étudiants en santé et internes) pour faciliter leur accès à des prises en charge et à du soutien : 0 800 73 09 58
  • Un numéro confidentiel et gratuit, mis en place par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), tenu par des psychologues cliniciens (avec possibilité d’orientation vers des cellules d’appui) accessible à l’ensemble des professionnels de santé en difficulté : 0800 288 038
  • Un numéro vert géré par la Croix-Rouge et le réseau national de l’urgence psychologique, ouvert 24h/24 et 7j/7, de prise en charge médico-psychologique (ouvert à toute la population) : 0 800 130 000

Quelles solutions mettre en place sur le long terme pour préserver la santé mentale des soignants ?

Améliorer les conditions de travail et libérer la parole sont les fondamentaux. Il est recommandé de :

  • Mettre en place des staffs pluriprofessionnels pour proposer des pistes de réflexion et de faire des propositions d’amélioration sur les conditions de travail.
  • Organiser des réunions de soutien pour faire part de son vécu sur une situation délicate, difficile à gérer. Elles permettent de libérer la parole des soignants et partager leurs expériences.
  • Concevoir des espaces détente pour permettre aux soignants de décompresser davantage pendant leur pause et échanger avec leurs collègues.
  • Proposer des séances de sport ou de sophrologie par exemple, dans un espace dédié au sein de l’établissement hospitalier pour faciliter le lâcher-prise physique et psychologique.

Cette démarche a pour objectif d’améliorer leur qualité de vie au travail et ainsi réduire les risques psycho-sociaux auxquels les soignants sont exposés quotidiennement.

Des exemples concrets de dispositifs mis en place :

  • Le groupe Ramsay Santé a lancé « Avec Vous », un site dédié à l’accompagnement psychologique des soignants toutes professions et tous statuts confondus. Véritable interface d’échange, le site oriente les soignants en souffrance psychologique en fonction de leurs besoins et de leurs problématiques. Il dispense : des informations, des conseils et exercices pour prendre soin de soi et un test pour évaluer son niveau de stress psychologique.
  • Le Groupement Hospitalier Centre – HCL a lancé une étude nommée « Promind ». Porté par le Dr Ludivine Nohales, psychiatre au service de médecine et santé au travail, cette étude vise à évaluer l’impact, sur les professionnels hospitaliers, de séances de méditation de pleine conscience et d’éducation aux risques psycho-sociaux et à la santé au travail comprenant : le stress perçu au travail, la dépression, les troubles du sommeil, le soutien social perçu, les relations interpersonnelles, la cohésion d’équipe, le niveau de conflictualité. L’équipe espère démontrer qu’il est possible d’implanter une intervention non médicamenteuse en santé mentale et santé au travail à l’intention des personnels hospitaliers en services de soins, tous statuts et métiers confondus.
  • Les hôpitaux universitaires de Strasbourg et du Bas-Rhin ont mis en place durant la pandémie, un « Groupe mobile de soutien psy ». Ce dispositif permet d’organiser des séances de débriefing collectives encadrées par une équipe d’infirmiers et de psychologues, puis de proposer aux soignants les plus fragilisés, une prise en charge individuelle par un psychologue ou un psychiatre.
  • L’hôpital Foch propose le dispositif « Dire merci à un soignant ». Accessible via leur site internet, les patients ont la possibilité de transmettre un message personnalisé à un soignant qui les a pris en charge durant leur hospitalisation. Cette démarche s’intègre dans le cadre de l’expérience patient qui vise à « transformer la manière de penser le parcours de soins à l’hôpital et impliquer davantage les publics ».

Sources :