1,2,3 Questions – Stéphanie PIERRE

Stéphanie PIERRE, conseillère nationale, plaidoyer santé publique et fin de vie – France assos santé

Dans le cadre des lois sur les soins palliatifs et sur la fin de vie, pourquoi donner la parole aux représentants des usagers ?

Avec le lancement de la Convention citoyenne de 2019, le Gouvernement a engagé une réflexion sur la fin de vie auprès de nombreuses instances. Cependant, la consultation des personnes malades n’était pas initialement prévue. C’est pourquoi France assos santé s’est mobilisée pour obtenir, de la part des ministres en charge de ce sujet, Olivier Véran puis Agnès Firmin Le Bodo, un ordre de mission pour consulter son réseau d’associations et de représentants des usagers, ce qui a donné lieu à un rapport synthétisant nos retours et faisant état de nos recommandations.

Nous souhaitions que les réflexions sur la fin de vie ne soient pas un monologue médical mais qu’elles intègrent la parole des personnes malades. L’accompagnement en fin de vie et les questions relatives à l’aide à mourir ne sont pas uniquement un débat sociétal : c’est une requête des personnes concernées. Seules ces personnes peuvent témoigner de ce qu’elles ressentent et de ce qui leur est insupportable. L’aide à mourir va concerner des personnes malades en fin de vie : elle doit être pensée au regard de leur vécu, de leurs attentes et de leurs besoins.

À la reprise des débats, en mars 2025, France assos santé a été auditionnée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et à l’accompagnement, ainsi que sur la fin de vie. Cette note résulte des échanges menés au sein de notre réseau avec les associations concernées : associations de personnes malades, de personnes en situation de handicap, de personnes âgées, de familles, de bénévoles d’accompagnement… Un dialogue a aussi été engagé avec des professionnels de santé, ce qui est essentiel pour que les demandes des usagers ne soient pas perçues comme une perte de confiance envers notre système de santé.

Dans ces textes, que demandez-vous au législateur ?

Nous aurions souhaité que les soins palliatifs et l’aide à mourir soient traités dans un texte unique. Leur séparation laisse penser qu’il existe deux parcours distincts, alors que la personne malade ne vit qu’un seul et même parcours. Elle ne navigue pas entre deux systèmes, ni ne choisit entre l’un ou l’autre. Cependant, l’examen des deux propositions de loi, les auditions et le vote demeurent communs : des passerelles entre les dispositifs doivent impérativement être mises en place.

Nous saluons le fait que le texte relatif aux soins palliatifs et à l’accompagnement donne une assise législative à la stratégie décennale, garantissant ainsi un financement pérenne et des comptes rendus sur l’avancement des chantiers prévus devant la représentation nationale. Une évaluation des mesures, une appréciation des besoins qui doivent encore être comblés et un contrôle de l’affectation des ressources sont désormais prévus. Cependant, certaines inquiétudes demeurent. Dans cette proposition de loi, il était par exemple prévu qu’une commission de contrôle des sédations profondes jusqu’au décès soit mise en place, sur le même modèle que la commission chargée de contrôler les demandes d’aide à mourir. Nous craignons que ce droit, déjà complexe à mobiliser, le devienne encore davantage.

Dans la proposition de loi Falorni, le libre choix entre le suicide assisté et l’euthanasie n’est pas laissé à l’appréciation du patient. Or, la personne malade est dans une demande d’accompagnement jusqu’au bout. Elle peut ne pas souhaiter accomplir seule un geste final difficile, en accord avec le médecin qui l’accompagne. Pourquoi ne pas laisser cette liberté de la modalité de mise en œuvre de l’aide à mourir aux personnes malades ainsi qu’aux soignants ? Pour nous, il est très important que l’acte létal soit encadré et réalisé par un professionnel soignant, afin d’en garantir la qualité et la sécurité : il n’est pas envisageable de confier cette responsabilité à un proche comme c’était le cas dans le projet de loi initial.

Des questionnements sur la possibilité d’un accès à l’aide à mourir sur directives anticipées se posent également, notamment pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson…) où des troubles cognitifs peuvent survenir avec l’évolution de la maladie, ce qui pourrait les pousser à anticiper une demande d’aide à mourir de peur de ne plus être en capacité de la demander et de l’obtenir ensuite, ou pour les personnes qui nécessiteraient d’être sédatées, lorsque les douleurs deviennent trop intenses et qui ne seraient donc plus en capacité de réitérer leur consentement final. C’est un sujet complexe, tant sur le plan éthique que sur la mise en œuvre pratique, il n’y a pas de réponse toute faite mais il nous semble important qu’il soit débattu.

France assos santé a également émis un point d’alerte sur le débat qui s’est tenu l’an dernier sur le critère d’accès à l’aide à mourir qui stipulait que les personnes devaient avoir un pronostic vital engagé à moyen terme. Ce critère avait été reformulé en « phase avancée ou terminal de la maladie » par les députés avant la dissolution, ce qui correspondait aux attentes de nos associations. Un avis devrait être très prochainement rendu par la HAS sur cette question. Nous avons fait valoir que la notion de temporalité liée au « moyen terme » est impossible à évaluer. Pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, et présentant des souffrances que l’on n’arrive pas à soulager, le sujet n’est pas tant d’évaluer le temps qu’il reste à vivre, mais la qualité de ce qu’il reste à vivre : c’est la souffrance qui est au cœur du débat.