Anne-Sophie JOLY, présidente-fondatrice du Collectif national des associations d’obèses (CNAO)
Pourquoi le Collectif national des associations d’obèses ?
Mon parcours personnel en matière de soins m’a permis de repérer des dysfonctionnements, entre autres dans la transmission des informations sur le parcours de soins entre le professionnel de santé et le patient en situation d’obésité. En mars 2003, j’ai créé le Collectif national des associations d’obèses (CNAO) pour améliorer la collaboration entre les différentes associations de patients obèses, encourager les co-constructions à tous les niveaux et la structuration de la prise en charge.
Les personnes en situation d’obésité ont le droit d’être informées des tenants et aboutissants de leur état de santé. Ils revendiquent légitimement le droit d’être acteurs de leur prise en charge.
En matière de lutte contre l’obésité, des progrès ont été réalisés, mais au prix de combien de vies… La perte de temps est une perte de chance pour les patients et la population. N’en doutez pas.
L’obésité demeure, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la quatrième cause de mortalité dans le monde*. Elle touche un nombre croissant de personnes, y compris des jeunes, et entraîne des maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension ou les maladies du foie. L’OMS estime qu’en 2025, 17 % de la population française est concernée par l’obésité, soit 10 millions de personnes. Selon l’OMS, 30 % des Français pourraient être touchés d’ici 2030, soit près du double. L’État ne peut rester passif face à la progression d’une maladie chronique non transmissible.
Que retenir des premiers états généraux de l’obésité qui se sont déroulés le 3 mars 2025 ?
Les états généraux, organisés par le CNAO, se sont tenus au ministère de la Santé, sous le patronage du président de la République, avec la participation, notamment, des ministères de la Santé et de l’Agriculture. Cet événement a réuni l’ensemble des acteurs concernés par la problématique de l’obésité : médecins, patients, industriels, pouvoirs publics, etc., autour d’un objectif : réfléchir collectivement à une stratégie commune. Il en va de la santé mentale et physique de la population, de la pérennité du système de santé, de la souveraineté alimentaire et de la survie des agriculteurs et des éleveurs français. La problématique de l’obésité est multifactorielle. Elle interroge nos modes de production, de transformation et de consommation, ainsi que les stratégies marketing qui nous incitent à consommer davantage plutôt qu’à simplement nous nourrir.
En France, des outils ont été mis en place pour encadrer l’information nutritionnelle et protéger les consommateurs : le socle de recommandations de la HAS, le programme national nutrition santé, le nutri-score, la charte alimentaire de l’Arcom visant à promouvoir une alimentation saine dans les programmes audiovisuels, la régulation de la publicité, ainsi que la sécurisation des médicaments et dispositifs médicaux par l’ANSM. Cependant, il reste beaucoup à faire, notamment pour réguler les contenus diffusés sur les réseaux sociaux et améliorer la composition des produits transformés.
Notre Collectif revendique que l’obésité soit pleinement reconnue comme une maladie chronique — ce que l’OMS a déjà acté depuis 1997 — et demande la mise en place d’un plan national décennal contre l’obésité, renouvelable. Sans une volonté politique forte, la prise en compte de l’obésité restera partielle. Tous les ministères doivent être mobilisés, car l’enjeu dépasse le seul cadre de la santé.
Il est temps que l’obésité cesse d’être une pathologie stigmatisée, et que la médecine qui traite les maladies associées à cette condition pathologique s’attaque également à la cause originelle.
Pour une stratégie efficace et durable, il est indispensable de penser en termes de transversalité et de coopération entre les secteurs public et privé.
Crédit photo : CHAM 2022