Dominique LIBAULT, président du Haut conseil du financement de la protection sociale et de l’École nationale supérieure de la sécurité sociale (EN3S), ancien directeur de la Sécurité sociale (2002-2012).
Que retenir des 80 ans de la Sécurité sociale ?
Cette année, la France célèbre les 80 ans de la Sécurité sociale. Créée par les ordonnances de 1945, la Sécurité sociale a pour objectif, selon les propos de son fondateur Pierre Laroque, de « protéger le travailleur de l’incertitude du lendemain ». À l’origine, la Sécurité sociale consiste en des prestations versées en remplacement du revenu du travail en cas d’incapacité physique à exercer une activité, due à la maladie, à un accident du travail ou à l’âge. Par ailleurs, la volonté de redresser la courbe démographique au lendemain de la seconde guerre mondiale a largement influencé la raison d’être de cette institution.
Depuis 1945, nous observons une montée en puissance des prestations de santé ainsi qu’une évolution vers la notion d’universalité des droits, déjà présente à l’origine mais progressivement mise en œuvre, d’abord au bénéfice des travailleurs indépendants, puis de l’ensemble de la population. Martine Aubry fera ensuite évoluer les conditions d’ouverture des droits d’une logique contributive à une logique de résidence sur le territoire français.
L’histoire de la Sécurité sociale est celle de la progression des droits, si bien qu’aujourd’hui, la France se distingue par un reste à charge parmi les plus faibles au monde.
Quels sont les enjeux de la Sécurité sociale ?
Ce 80ᵉ anniversaire est l’occasion de réfléchir à l’avenir de la Sécurité sociale. Son histoire s’est accompagnée d’une croissance continue des dépenses et des prélèvements, suscitant des débats récurrents, et totalement légitimes. Les déficits actuels du financement de la Sécurité sociale appellent à des arbitrages démocratiques, certes complexes, mais indispensables, qu’il s’agisse des retraites ou de la santé — d’autant plus que le budget de la Sécurité sociale, estimé à environ 650 milliards d’euros, dépasse désormais celui de l’État. Au-delà des considérations financières, la Sécurité sociale confère à chaque vie humaine une valeur équivalente. L’accès aux soins, le droit d’avoir des enfants, la protection des travailleurs… libèrent les individus des aléas de la vie. Ce sont des principes fondamentaux qu’il convient de rappeler dans le contexte international actuel.
La solvabilité du système de Sécurité sociale — qui associe acteurs publics et privés — doit également être préservée, malgré l’émergence de difficultés liées, en partie, à son propre succès : l’espérance de vie a augmenté de vingt ans depuis sa création. Il existe une forme d’invisibilité de ce système, qu’il est essentiel de mettre en lumière. Pour qu’il puisse perdurer et être transmis aux générations futures, des arbitrages et des efforts sont nécessaires.
La Sécurité sociale s’adapte en permanence sans jamais renier son essence. C’est pourquoi le fil rouge de ce 80ᵉ anniversaire est : « République et Sécurité sociale ». Seule une responsabilité collective permettra de transmettre cet acquis précieux aux générations à venir.