Déficit des hôpitaux : un retour à l’équilibre en trompe-l’œil

Voici le communiqué de presse envoyé ce jour aux médias :

La FHP-MCO, syndicat des cliniques et hôpitaux privés spécialisés en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) de la Fédération de l’hospitalisation privée, s’étonne des subventions annuelles de plusieurs centaines de millions d’euros accordées à chaque fin d’année aux hôpitaux publics en déficit, sous prétexte de contrat de retour à l’équilibre financier.

« Notre système de soins souffre d’un réel problème d’efficience économique. On puise dans le budget de l’assurance maladie qui est en déficit cette année de 7,7 milliards d’euros pour combler les déficits des hôpitaux. Cela rappelle les facéties du Sapeur Camember, ce soldat du ‘génie militaire’, qui passait son temps à creuser un trou pour en boucher un autre, avec la terre du premier« , ironise Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO, qui regroupe quelque 580 établissements.

En mai dernier, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait affiché son satisfecit en annonçant un retour à l’équilibre global des hôpitaux en 2012. Certes, mais c’était sans dire que les soutiens en trésorerie avaient progressé de 275 millions d’euros en 2011 à 400 millions en 2012. Dans un rapport publié le mois suivant, la Cour des Comptes avait d’ailleurs noté que ce retour à l’équilibre était lié à « des facteurs exceptionnels » (cessions d’actifs, aides exceptionnelles versées aux établissements proches de la cessation de paiement et opérations comptables de fin d’exercice).

Fin décembre 2013, le ministère de Santé a annoncé l’octroi de 197 millions d’euros « à titre exceptionnel et non reconductible » (sic) pour accompagner les établissements de santé dans « leur retour à l’équilibre, leurs difficultés de trésorerie et leur dynamique de transformation« .

Cela équivaudrait à 2% de hausse tarifaire pour les cliniques et hôpitaux privés MCO. « Avec autant de cadeaux de Noël distribués aux hôpitaux en difficulté, il devient assez facile d’annoncer ensuite que les hôpitaux publics reviennent à l’équilibre. C’est un équilibre en trompe-l’œil, obtenu à coups de subventions déguisées« , souligne Lamine Gharbi. « La réalité, c’est que, depuis 2007, les hôpitaux ont accumulé un déficit de plus de 3 milliards d’euros et leur endettement global se monte désormais à plus de 31 milliards d’euros, selon les derniers chiffres officiels« .

Des gisements d’efficience

A l’heure où le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) pointe les dérives des dépenses de l’assurance maladie et prévoit une explosion de son déficit annuel qui pourrait doubler d’ici 2020, la FHP-MCO demande que l’on prenne les mesures de restructuration nécessaires pour que cesse cette situation structurelle de déficit et que l’on s’attaque véritablement à l’efficience du système de soins.

« Il y a des économies à faire en amont, des gisements d’efficience à mettre en œuvre, des principes de prévention et de qualité des soins à mettre en avant. Les hôpitaux publics devraient pour commencer être centrés sur leur métier et cesser de gérer des vignes, du patrimoine immobilier. Nous félicitons à ce titre le nouveau directeur de l’hôpital de Château-Thierry qui vient d’annoncer que ce n’était pas son métier de gérer un… musée et qu’il allait le vendre« , poursuit le président de la FHP-MCO.

L’exemple de l’Allemagne, où l’assurance maladie affiche un excédent, montre qu’une rationalisation de la gestion hospitalière est possible pour un meilleur service de santé à un moindre coût.

La France dépense ainsi pour ses hôpitaux 372 euros de plus par habitant et par an que son voisin. Avec 2.751 hôpitaux en France contre 2.084 en Allemagne, la France compte trop de petits hôpitaux (154 lits en moyenne par hôpital en France contre 323 en Allemagne). De plus, l’effectif hospitalier est de 2,4 personnes par lit en France, contre 1,6 en Allemagne, selon un récent rapport de l’Institut Thomas More.

« Les cliniques et hôpitaux privés ont fait leur restructuration et ont su se regrouper. Leur nombre a été divisé par deux en vingt ans. Dans le même temps, le nombre d’hôpitaux publics est resté quasi inchangé. Il va donc bien falloir poser les questions qui fâchent: faut-il avoir une gestion plus rationnelle ? Faut-il fermer des hôpitaux ? Tous les experts savent que ce sera inévitable si l’on veut maintenir la qualité et la sécurité des soins« , affirme Lamine Gharbi.

La FHP-MCO regrette qu’en refusant de poursuivre le processus de convergence tarifaire – achevé en 2009 en Allemagne et qui a permis d’économiser 11 milliards d’euros par an – le gouvernement s’est privé d’un important levier pour rationaliser la gestion de l’offre de soins, qui aurait permis d’économiser l’équivalent de 7 milliards d’euros par an, soit environ l’équivalent du déficit de l’assurance maladie.

Variable d’ajustement

La FHP-MCO refuse qu’à l’heure de finances publiques contraintes, le privé fasse de nouveau les frais des restrictions tarifaires envisagées (notamment avec le dispositif de dégressivité tarifaire). « On voudrait contraindre encore davantage les cliniques et hôpitaux privés qui représentent 27% de l’offre de soins, 35% de l’activité, mais ne reçoivent que 17% des financement. Nos établissements en MCO sont déjà victimes d’une double discrimination de financement, avec des tarifs inférieurs de 22% en moyenne pour une prestation identique à ceux des hôpitaux publics et une quasi éviction de l’enveloppe de 8,6 milliards d’euros des Migac ([1]). En cela, nos établissements coûtent beaucoup moins cher à l’assurance maladie que le public« , relève Lamine Gharbi.

« Or dans plusieurs régions de France, des cliniques et hôpitaux privés se voient retirer des autorisations d’activité pour aider l’hôpital voisin qui va mal. Nous ne pouvons accepter d’être la variable d’ajustement, que ce soit sur un plan sanitaire ou financier, d’un système qui dysfonctionne« , conclut-il.

[1] Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation. Les cliniques en touchent 1,1%.