3 questions à Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

Quel est votre sentiment par rapport à la stratégie nationale de santé ?

Quand la stratégie nationale de santé a été présentée en septembre dernier, nous avions déjà émis des mises en garde sur des dérives possibles, mais beaucoup d’aspects nous semblaient encore positifs. Placer la prévention au cœur du système de soin, par exemple, est ce que nous réclamons depuis de nombreuses années. Nous nous étions cependant déjà inquiétés du contenu de la notion de service public de proximité. Mais aujourd’hui, nous tombons des nues. Nos craintes se sont avérées fondées. Les éléments d’information pour la rédaction de la future loi (qui est ce dont nous disposons à ce jour, soit un simple powerpoint d’information probablement rédigé par une agence de communication) sont marqués par le dogmatisme et l’idéologie.

Qu’est-ce qui se trouve derrière ces menaces sur la médecine libérale ?

Je me pose des questions. S’il s’agissait d’équilibrer les comptes, de prendre des mesures drastiques pour réduire le déficit de la sécurité sociale, je comprendrais. Mais si on transforme en service public l’offre libérale, on va nécessairement créer du déficit. Les bons élèves libéraux ne sont pas respectés, dans un contexte de déficit. Qu’est-ce que ça veut dire ? J’y vois une volonté dogmatique de coller à une idéologie technocratique, coupée des réalités, et qui ne tient absolument pas compte des pratiques de terrain. On peine à trouver quelque chose de positif dans cet avant projet de loi. Les ARS divisent pour créer une sectorisation administrative artificielle. On crée un hôpital au centre de tout avec des tentacules et au bout de chaque tentacule, une maison de santé pluridisciplinaire. Maison de santé, le terme lui même est connoté, rappelant les maisons de la jeunesse et de la culture, les MJC. On s’est déjà laissé enfermer dans une terminologie.

Dans quel état d’esprit se trouve le SML ?

Si les choses restent en l’état, nous sommes face à une loi qui va modifier en profondeur le système de soin, et amener la médecine libérale à disparaître. Les textes sont sans ambiguïtés : la proximité sera assurée par un service public dont les caractéristiques seront définies par l’ARS. On voit disparaître le système paritaire conventionnel, auquel les Français sont très attachés. C’est un danger extrême pour la médecine libérale, l’ambulatoire et les établissements privés, qui se retrouvent pris en otage. Pour nous, libéraux, le tiers-payant généralisé, c’est la disparition du paiement à l’acte. Pour tout dire, si cette tendance se confirme, nous partons en guerre.