3 questions à Benoît Péricard, associé KPMG en charge de la santé.

3 questions à Benoît Péricard, associé KPMG en charge de la santé.

Pouvez-vous expliquer les enjeux de cette campagne tarifaire, dont les résultats vont être publiés dans quelques jours ?
Ma première réflexion est que nous assistons depuis 25 ans, chaque année, à un véritable psychodrame autour de la publication de ces tarifs. Structurellement, aucun système n’est parfait ou définitif : peu à peu les avantages de chaque système s’érodent, ce qui conduit à des changements, en général tous les 15 à 20 ans. Par exemple, la Belgique, qui a déclaré, l’année dernière, vouloir abandonner le système de tarification à l’activité. En France, on croit avoir un système particulièrement vertueux et intelligent, mais en réalité il est hautement complexe et manque de pragmatisme. Nous avons un système de tarification à l’activité qui décide du chiffre d’affaire des établissements privés pour environ 90 %. Or, dans la plupart des autres pays, ce que nous observons, ce sont des systèmes mixtes qui allient la tarification et des forfaits. Au niveau conjoncturel, le mouvement de convergence entre les prix du public et du privé engagé sous le dernier gouvernement avait été finalement abandonné ; il est peu probable que la convergence redevienne un sujet d’actualité pendant ce quinquennat.
En ce qui concerne la campagne tarifaire actuelle, avec plus de 9 000 actes répertoriés nous sommes bien loin du fameux « choc de simplification ». Dans le cadre de l’ONDAM, l’ajustement se fait soit par le volume soit par le prix : si les volumes augmentent – le gouvernement prévoit une augmentation de 2 % -, les prix des tarifs vont stagner voire baisser, puisque l’ONDAM est lui-même limité à 2 %.
Il y a ensuite le sujet polémique du CICE : il faut savoir ce que l’on veut ! Soit on considère que les cliniques privées sont avant tout des établissements de santé, dans ce cas-là il faut aller vers une convergence des tarifs privés/publics ; soit on les perçoit comme des entreprises privées, et ils peuvent donc bénéficier du CICE. Actuellement, je trouve qu’il y a une incohérence dans le discours public. Enfin, il y a aussi la question de la chirurgie ambulatoire dont les avantages sont reconnus, mais sur laquelle la France reste en retard par rapport aux autres pays.
Pour moi, il y a un réel problème de dialogue entre le gouvernement et les professionnels de santé qu’ils soient dans le privé ou dans le public d’ailleurs. Je pense que le dialogue pourrait s’établir principalement au niveau régional.

Les craintes des établissements de santé privés vous semblent-elles justifiées ?
C’est une question difficile à laquelle je vais essayer d’apporter une réponse nuancée. Chaque année, les établissements de santé privés expriment des craintes et s’il est vrai que certains sont dans le rouge, d’autres vont bien. Lorsqu’il y a des regroupements ou des rachats, il se trouve toujours un repreneur, ce qui signifie que ce secteur reste attractif. Certaines craintes me paraissent totalement fondées, notamment celles autour de la chirurgie ambulatoire. Cependant, pour moi le secteur de la santé privé a une capacité d’adaptation extraordinaire.

Quels sont les leviers économiques possibles pour les établissements de santé privés avec un chiffre d’affaire contraint par la Sécurité sociale ?
Quand les tarifs sont contraints, il reste toujours la possibilité d’agir sur les volumes. Avec une augmentation du volume des actes de 2 %, les cliniques pourraient donc recruter des médecins et faire davantage d’actes, être plus agressifs en quelque sorte. Pour agir sur les charges et garantir des marges, il faut faire mieux, avec un peu moins de personnel, donc devenir plus performant et efficace. Cela implique de travailler surtout sur les process et l’organisation du travail dans les établissements.