Dr. Patrick Gasser, Président nouvellement élu de l’UMESPE-CSMF

Quels sont les grands axes de votre programme ?

Ce programme, nous l’avons élaboré suite à un grand travail de concertation, nous avons mis en place des commissions internes qui ont planché sur des thèmes ciblés, comme la structuration du soin en termes de financement, l’organisation du soin, les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) et l’intelligence artificielle, avec des personnes issues de l’UMESPE, mais pas seulement. Nous nous sommes inspirés de spécialistes de la santé à l’international, nous avons comparé différents modèles de financement de la santé en Europe. Nous sommes à une période charnière de la médecine. Tout va changer ces prochaines années dans les manières de pratiquer notre métier. Autant prendre le temps dès maintenant de s’interroger sur ces nouvelles formes du soin. J’ai été élu à l’unanimité moins une voix ! Cela veut dire quelque chose: il y a une certaine acceptation de notre programme politique, et ce n’est pas issu du hasard.

Le premier grand axe de notre programme est l’organisation territoriale. Quand on parle de l’organisation de la médecine, on pense tout de suite aux généralistes, or les spécialistes sont tout aussi importants pour la qualité de l’offre de soin. Les maladies chroniques sont en hausse, la dépendance est en hausse, notre métier doit changer. Nous devons déléguer des tâches pour répondre plus rapidement aux besoins de soin. Nous avons encore des marges d’amélioration sur la permanence et la continuité des soins.

Ensuite, nous avons un vrai besoin de transparence sur le dossier de la re-certification. Il y a modèle qui fonctionne, celui de l’accréditation des spécialités à risques. Nous avons un bon socle de discussion sur la re-certification.

Enfin, nous avons également un volet important consacré au financement. Aujourd’hui, nous savons tous que nous arrivons à bout de course en ce qui concerne le financement de la santé. C’est un constat d’échec. Que faire ? Soit on se lamente, et l’on s’accroche à des solutions qui ont prouvées qu’elles n’étaient pas viables, et l’on refuse toute construction. Soit on se tient prêt à expérimenter. Moi je ne suis opposé à rien, ni au paiement à l’épisode de soin, ni au parcours. Je ne suis pas contre expérimenter avec les ACO. Se fixer des objectifs avec les assureurs, se partager les économies réalisées et porter ensemble les dépenses supplémentaires si elles doivent avoir lieu.

Quels sont les enjeux de la médecine de spécialité et quel est votre agenda ?

La médecine de spécialité jouit d’une grande crédibilité. Des études montrent que les Français ont confiance dans leurs spécialistes. Mais est-elle accessible ? Il faut répondre à l’éloignement, il faut répondre aux délais de prise en charge. Pour l’heure, ces deux problèmes amènent une baisse de la qualité de la prise en charge. Les spécialistes doivent être consultés très tôt pour orienter la prise en charge. Pendant les trois mois d’attente d’un rendez-vous, les patients commencent souvent des traitements mal adaptés, ce qui occasionne des coûts supplémentaires. Il faut mettre en place un grand chantier pour une meilleure collaboration entre les spécialistes et les généralistes. Il faut que nous portions cette collaboration, elle est essentielle pour la qualité du soin.

Enfin, il faut que nous trouvions les moyens de garantir aussi une accessibilité financière. Certains segments de population ne consultent pas de spécialiste par crainte de ne pouvoir le payer. Chez nous, tous les patients sont pris en charge. Tous les collègues ont une éthique, et tous ceux qui ne peuvent pas payer ne payent pas, c’est déjà le cas. Mais les compléments d’honoraires doivent trouver à se financer. Pourquoi pas avec des partenariats avec les assureurs ? À mon avis, il faut aller à moyen terme vers la création d’un nouveau secteur, empreint d’une plus grande liberté.

Notre agenda est le suivant : d’abord, nous souhaitons discuter l’avenant télé-médecine. Comment on le construit, quels seront ses tarifs ? Nous souhaitons lui donner tous les éléments de la réussite. Nous avons ensuite le dossier de la re-certification, qui me tient particulièrement à cœur, avec la mission du Pr. Serge Usan, qui doit laisser à la profession les moyens de s’organiser pour plus de qualité et de transparence. Enfin, je souhaite apporter ma pierre à la reconnaissance de la médecine de spécialité sur les territoires, en prenant concrètement en compte son problème d’accessibilité.

Quels sont les points de frictions possibles avec le gouvernement ?

Ils sont nombreux ! À commencer par l’article 99 de la Convention médicale, qui a donné un grand coup de couteau dans notre confiance lors du quinquennat précédent. L’article 99 permet tout simplement de baisser arbitrairement les tarifs des radiologues. Qui viendra ensuite ? Les anesthésistes ? Il faut supprimer l’article 99 pour rétablir un partenariat conventionnel. D’une façon générale, nous estimons que l’immixtion de l’État dans le domaine de la médecine gêne la liberté d’entreprendre. Légiférer sur tout, c’est bloquer la liberté entrepreneuriale.