Dr Jean-Paul Ortiz, Président de la CSMF

Emmanuel Macron a annoncé un grand plan pour l’hôpital. Qu’en pensez-vous ?

Ce sont surtout les soignants qui souffrent. La T2A a amené l’hôpital à réfléchir à son activité, à produire plus de soins, mais il ne s’est pas organisé ni restructuré et continue à fonctionner comme avant, avec une très forte organisation administrée. Le GHT est un instrument qui devrait permettre de restructurer un certain nombre d’activités redondantes et de mieux les organiser : des achats communs, partager des services supports, etc. Ça fait longtemps que l’hospitalisation privée a fait cela. Ensuite, l’hôpital souffre parce qu’on n’a pas su soutenir la médecine libérale. Il y a par exemple un dysfonctionnement dans la réponse apportée au recours excessif aux urgences car la médecine libérale n’a pas été soutenue, pour répondre aux besoins de la population. Les patients ne sont pas fous, s’ils avaient des petites structures de proximité, dans les cabinets de groupe, les MSP par exemple, avec un accueil de 8h à 20h, soutenu par la puissance publique, cela marcherait, et coûterait deux fois moins cher.

Les plateformes d’assurances complémentaires se développent, où en êtes-vous sur le tiers payant généralisé (TPG) ?

Notre position n’a pas varié : nous sommes favorables à un tiers payant social, pour les personnes qui en ont besoin. Mais on ne veut pas d‘un système obligatoire généralisé, parce que nous restons attachés au paiement à l’acte, et à une médecine libérale. Je propose au gouvernement une solution alternative : le paiement monétique, avec une dispense d’avance des frais de santé par débit différé. Le patient paie son médecin avec une CB (il serait possible de doter d’une CB santé les 10 % de la population qui n’en n’a pas), et le médecin est abonné par sa banque à un système de dispense d’avance de frais. Au bout d’un mois, le patient est débité, et le remboursement sécurité sociale et mutuelle a déjà été fait. Le patient n’a pas d’avance à faire, mais le médecin est payé dans les 48h.

Concernant les offres de certaines entreprises, les pseudo téléconsultations, le téléconseil, il s’agit plus d’offres commerciales que d’une vraie réponse aux besoins de la population. Nous restons attachés au parcours de soin, au patient suivi par son médecin traitant, qui le connaît, ou par son spécialiste habituel, qui le connaît.

Les négociations sur la télémédecine prennent fin, où en est-on ?

Nous avions une négociation avec la CNAM pour permettre à tous les Français d’accéder à leur médecin traitant ou leur spécialiste via une téléconsultation. Cela est très important, car nous rentrons enfin dans une ère moderne de l’exercice médical. Sur la téléconsultation c’est plutôt bien parti, mais c’est plus compliqué pour la téléexpertise, qui pourtant est fondamentale. Il s’agit d’améliorer la coordination entre un médecin requérant et un médecin requis pour son expertise. Cela restera très sous valorisé et ne permettra pas son déploiement à la hauteur des enjeux. Si la CNAM ne s’y engouffre pas rapidement, ce champ-là sera laissé aux assureurs complémentaires, donc dépendra du niveau de revenus et de couverture, ce qui revient à aller vers un système inégalitaire.

Vous disposez d’un nouveau mandat de 4 années suite aux élections de fin mars, quel sera votre grand dossier ?

Il s’agira de mieux structurer la médecine de ville, et cela tourne autour d’un mot : le regroupement. Je ne suis pas opposé aux MSP au contraire, mais je suis opposé à un modèle unique. Il faut que les médecins se regroupent au niveau fonctionnel, et pas uniquement physique. Cette évolution doit se faire en soutenant les médecins exerçant seuls. Cela passe par le développement des communautés professionnelles territoriales de santé. Les médecins doivent devenir de véritables entrepreneurs de soins libéraux sur les territoires.