Luc Triboulet, Directeur d’exploitation de la Clinique Sainte-Clotilde

L’île de la Réunion est paralysée depuis deux semaines, quelle est la situation ?

Nous constatons à partir d’aujourd’hui un déclin du mouvement des gilets jaunes. Durant ces deux semaines et dans la journée, l’ambiance était plutôt calme avec des barrages bloquants laissant la plupart du temps circuler les personnes prioritaires, dont nos salariés. La Préfecture a mis en place des arrêtés de réquisition pour accéder notamment aux stations essence, ce dont nos salariés et les ambulances ont pu bénéficier. La nuit en revanche des barrages moins encadrés étaient installés, créant un fort sentiment d’insécurité, avec parfois caillassage des voitures et rackets.

Comment avez vous géré votre activité dans ces conditions ?

Je remercie tout le personnel qui a fait face à la situation avec un grand professionnalisme et un sens du devoir. Les équipes se sont montrées très solidaires, certaines personnes allant jusqu’à proposer d’enchaîner des heures de nuit après un service de 12 heures de jour. Très peu d’absences ont été notées. Le personnel partait très en avance pour être à l’heure. Pour réduire les risques nous avons proposé à nos personnels de rester dormir sur place : une dizaine de personnes dormaient sur place la nuit et 5 le jour.

Nous avons maintenu 70 à 80 % de notre activité programmée et avons assuré les activités d’urgence, de maternité ou en cardio-interventionnel par exemple. Des patients ne se sont pas présentés, y compris des patients fragiles en radiothérapie où nous avons enregistré certains jours une baisse d’activité jusqu’à 30 %.

Le point noir demeure-t-il toujours l’organisation de la logistique ?

Nous gérons au jour le jour. Par exemple, nous avons reçu par avion le matin même du jour de rupture de stock certains médicaments de chimiothérapie. Nos solutés sont quelque part en mer et 3 000 containers sont bloqués. Nous sommes donc obligés de doubler nos commandes maritimes par du fret aérien.

Il a fallu improviser devant l’absence de livraison de tenues et de nourriture car les camions pleins étaient bloqués, ou encore trouver des solutions pour les déchets car les camions poubelle refusaient de circuler, les poubelles étant utilisés pour allumer des feux.

Aujourd’hui, les barrages sont plus résiduels, il ne reste principalement que le port à débloquer. Pour le moment, tous nos efforts sont engagés dans le maintien de notre outil de soins, nous verrons plus tard avec l’ARS si un fond national avec compensation est mis en œuvre comme c’est le cas lors d’un événement météorologique extrême. Il est impressionnant de voir à quelle vitesse une situation de non droit peut s’installer et la difficulté ensuite à en sortir.