Bernard Bensadoun, DG du groupe Confluent à Nantes et nouvel administrateur de la FHP-MCO

Vous avez occupé des postes managériaux dans des établissements de santé publics, privés et ESPIC, qu’avez-vous appris des différences ?

Je suis chez moi partout et chez moi nulle part, au sens où j’ai exercé en environnement FHF, FHP, Unicancer et FEHAP. Quel que soit le secteur, nous faisons tous le même métier dans un même contexte contraint. En 17 ans d’exercice, je constate qu’il s’est terriblement complexifié ; le normatif, l’économique, le social, le réglementaire, le juridique sont de plus en plus exigeants.

Dans le secteur public, nous sommes plus sensibles à un certain nombre de sujets comme les missions d’intérêt général bien plus prégnantes que dans le privé, les missions d’enseignement et celles de recherche. Même si le privé est présent dans ces champs, ces missions sont des préoccupations quotidiennes pour le manager de l’hôpital. Les vraies différences sont là.

Dans le champ du soin, de la qualité et du normatif, le travail est rigoureusement le même. De plus en France, les paramédicaux et les médecins sont formés de la même manière, donc les populations avec lesquelles nous travaillons sont les mêmes. Je fais partie de ceux qui défendent la formation des médecins dans les cliniques et j’ai œuvré en ce sens, notamment concernant les néphrologues lorsque je travaillais dans le secteur de la dialyse. Les médecins libéraux ou exerçants dans un hôpital sont un corps professionnel et leur mode de fonctionnement varie peu. Je n’ai jamais vu un directeur d’une structure publique obtenir plus d’un médecin au motif que celui-ci était salarié.

En revanche, l’hôpital public bénéficie d’une aura que l’hospitalisation privée, de manière assez injuste, n’a pas. Directeur d’hôpital, j’avais plus le sentiment d’être une sorte de « commis d’État », aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être un chef d’entreprise. L’hôpital privé a souvent une connotation commerciale alors que l’hôpital public est tout auréolé d’une réputation vertueuse, d’humanisme, qui existe tout autant dans l’hospitalisation privée mais qui est nettement moins perçue par le grand public. Avec les journalistes, c’est la même chose : une clinique est commerciale ou lucrative, alors que l’hôpital, c’est St Vincent de Paul.

L’obtention, ou pas, de MIGAC ne fait-elle pas une différence entre les secteurs ?

De nombreuses missions d’intérêt général sont remplies par des établissements privés, au travers des urgences, de la formation des futurs professionnels de santé, de l’éducation thérapeutique, de la prévention… et elles doivent incontestablement être mieux rémunérées. La loi HPST qui était de loin la plus libérale, avait été jusqu’à considérer que les missions d’intérêt général devaient être assurées par tous les opérateurs de santé indépendamment de leur catégorie, dès lors qu’ils se donnaient les moyens de le faire, dans de bonnes conditions et au service du plus grand nombre. En pratique cette vision n’a jamais été mise en application et les MIG sont restées principalement « la chose » de l’hospitalisation publique. C’est assez injuste en réalité sauf peut être pour des missions très spécifiques telles que la prise en charge des maladies orphelines, des greffes, du SIDA pour lesquelles une coordination hospitalo-universitaire peut se justifier.

À l’origine, les MIGAC étaient consubstantielles de la T2A et servaient, notamment sur la partie AC (aide à la contractualisation), à accompagner l’innovation organisationnelle ou thérapeutique et à financer des projets disruptifs. Les premiers CPOM prévoyaient une part de financement sous cette forme, or dans le temps ces crédits ont progressivement disparu par dilution dans les FIR. Il ne reste plus aujourd’hui que la part MIG qui par certains côtés ressemble à une rente de situation préférentiellement attribuée à l’hôpital public, dans une proportion tout à fait inéquitable du point de vue de l’hospitalisation privée.

À la décharge des établissements qui perçoivent ces MIG, celles-ci gagent souvent des emplois en CDI et une non-pérennisation des crédits générerait sans nul doute de la précarité, de la difficulté pour recruter, et au final une perte d’efficacité sur des missions qui nécessitent un engagement sur le long terme. C’est sans doute l’une des limites du système, où à une agilité attendue on oppose la rigidité du droit du travail.

De la même manière, on pourrait déceler un paradoxe dans la suppression des crédits d’amorçage « AC » alors même que nos tutelles misent sur l’affluence de projets « article 51 » pour réformer le système de santé.

Comment abordez-vous votre nouveau rôle d’administrateur de la FHP-MCO ?

J’ai le sentiment qu’un conseil d’administration est une agora politique où les idées foisonnent, où on arrête des stratégies, je devrais donc m’y plaire. J’attends ensuite de la FHP-MCO qu’elle soit vigilante, responsable, force de proposition, et qu’elle appréhende les mutations du système de santé en mesurant bien les enjeux pour la profession, sans dogmatisme mais aussi sans naïveté.

Lors du premier CA auquel j’ai participé, j’ai été très favorablement impressionné par l’engagement de mes collègues et par leur degré de connaissance de l’actualité et des dossiers. Je les ai trouvés très bons techniquement. Il y a de plus un vrai soutien de l’équipe permanente de la FHP-MCO. Nos témoignages sont fondamentaux pour éclairer les dirigeants de la FHP-MCO lorsqu’ils vont « ferrailler » avec les autres fédérations ou le ministère. J’ai le sentiment que le fonctionnement actuel est plutôt efficient.

Dans mon expérience professionnelle, j’ai été marqué par l’action de la FNCLCC (précurseur d’Unicancer) – qui avait compris avant tout le monde qu’il fallait documenter les débats, objectiver les chiffres, s’engager dans une démarche qualité. Dès les années 2000, les productions de la fédération de cancérologie étaient d’une précision remarquable et cela donnait une puissance dans les négociations avec la tutelle qui ont sans doute fortement pesé dans la décision de lancement du premier plan cancer. La puissance d’un syndicat, c’est d’être capable de colliger de l’information, de l’objectiver, de la documenter et d’en faire un outil de négociation puissant. J’ai le sentiment que la FHP-MCO possède ce savoir-faire.

Parcours

Je suis ingénieur de formation et j’ai démarré ma carrière dans l’industrie biomédicale. J’ai ensuite intégré le CHU de Nantes en tant que directeur adjoint en charge des plateformes de biologie et d’imagerie médicale. J’ai suivi mon patron du CHU de l’époque au Centre de lutte contre le cancer de Nantes en tant que directeur adjoint en charge du biomédical, des travaux et de la communication, et lui ai succédé en tant que directeur général adjoint. J’ai ensuite pris la direction de l’ECHO-dialyse qui fédère 36 structures de dialyse en Bretagne Pays de Loire, suite à quoi J’ai intégré le groupe Vedici, où j’ai occupé la fonction de directeur général délégué pour 4 des établissements nantais du groupe. Après un retour à l’hôpital public (CHU de Toulouse), j’ai pris la direction générale du groupe Confluent à Nantes.