Claire Tillequin, directrice de la Clinique Saint-Martin (Vesoul)

Proposer des bilans de santé aux salariés des entreprises locales… D’où vient cette idée ?

L’idée a germé en août 2018. Le groupe C2S a souhaité lors de l’acquisition de la clinique, en faire un site pilote pour expérimenter ce type de bilans de santé, dans le cadre de l’article 51. Hasard du calendrier, au même moment le Premier ministre prenait connaissance d’un rapport intitulé « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée ». Nous sommes dans l’air du temps. Aujourd’hui, avec l’allongement des délais pour obtenir un rendez-vous, un salarié qui souhaite faire un check-up complet en a pour 6 mois à 1 an. Nous avons donc eu l’idée de fluidifier le parcours de soin en proposant aux entreprises et administrations, pour les salariés volontaires, un bilan complet et personnalisé réalisé sur une seule journée.

Nous avons commencé par « prendre la température » auprès d’entreprises de Haute-Saône, dont une tréfilerie * qui a été intéressée d’emblée. Elle appartient à un groupe allemand de métallurgie, dont la culture d’entreprise accorde une place importante aux démarches de prévention. Ensuite, les représentants de l’ARS nous ont confortés dans notre volonté de travailler en partenariat avec les acteurs de la santé au travail : Organisme pour la prévention des risques professionnels et de la santé au travail, Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail, Medef, médecins du travail, etc. Le projet d’expérimentation est en cours de montage, et au vu de l’intérêt porté par l’ARS nous espérons une réponse favorable d’ici juin pour pouvoir démarrer fin 2019.

De quoi s’agit-il précisément ?

Ces bilans seront d’abord proposés aux entreprises de plus de 50 salariés, mais nous comptons ensuite ouvrir le dispositif, y compris aux TPE. Tous les secteurs d’activité de notre territoire seront ciblés : l’industrie, qui est très présente, mais aussi le BTP, l’agriculture et le secteur tertiaire. Ce check-up ne remplacera pas les bilans proposés par la CPAM, qui s’adressent essentiellement à une population en situation de précarité et ne tiennent pas compte de l’activité professionnelle.

Concrètement, chaque salarié sera reçu par un médecin coordinateur, qui travaillera en lien étroit avec le médecin du travail et le médecin traitant. Il disposera du dossier médical du salarié ainsi qu’une cartographie des risques professionnels auxquels celui-ci est exposé, ou a été exposé précédemment, susceptibles de générer une maladie professionnelle. En lien avec la médecine du travail et l’URPS, des protocoles seront rédigés pour spécifier les examens à réaliser : bilan biologique, pneumo, cardio, urologique, ORL, mais aussi diététique ou psychologique. Nous nous appuierons notamment sur notre service d’imagerie équipé d’un scanner. Nous souhaitons proposer également aux salariés, en complément de ces bilans, des séances d’éducation thérapeutique en lien avec leur problématique de santé. Le médecin coordinateur sera garant de la confidentialité des données de santé. Avec l’accord du salarié, il adressera une synthèse via le DMP au médecin traitant et au médecin du travail.

Vous souhaitez aller plus loin…

Outre ces bilans complets, le médecin du travail pourra nous adresser les salariés pour un examen ponctuel. À terme, nous pourrions centraliser l’offre de santé au travail, et coordonner la multitude de ses acteurs : par exemple, les ergonomes qui interviennent en aval pour des aménagements de postes. Cette offre de santé au travail est actuellement fractionnée, cela a été montré dans le rapport publié en août. Autre intérêt : en centralisant les examens, nous pourrons exploiter au mieux, d’un point de vue statistique, les données relatives à l’exposition aux risques professionnels. Cette innovation en appelle d’autres… Par exemple, certains actes seront donc réalisés par des praticiens libéraux de Haute-Saône, via une application de télé expertise.

Le financement est lui aussi à inventer. Nous avons demandé une expérimentation pour une durée de 5 ans, pendant laquelle l’ARS prendra en charge les coûts. La seule contribution des entreprises sera de libérer les salariés sur une journée. À l’issue de l’expérimentation, ce financement restera à déterminer. Ils ont tout intérêt à favoriser la prévention, pour réduire les coûts liés aux arrêts maladie, pensions d’invalidité, indemnisations, etc. Éviter le renoncement aux soins, réduire les inégalités territoriales et faire des économies sont les principaux bénéfices attendus.

* Usine de fabrication de fils métalliques