Viande in vitro : L’alimentation de synthèse du futur cultivée en laboratoire ?

Les idées ne cessent de fuser pour trouver des solutions qui permettraient d’épargner les animaux de l’abattoir, de limiter les élevages intensifs, de libérer les espaces agricoles et surtout de réduire l’impact environnemental. Dans le cadre de ces réflexions, la viande in vitro suscite un vif intérêt. Que signifie ce terme pour le moins surprenant ? Serait-il envisageable de produire de la viande en laboratoire comme on analyse des cellules ? Faisons le point.

 

Qu’entendons-nous par viande in vitro ?

Considérée comme une alternative durable à la production de viande traditionnelle, qui est souvent associée à des problèmes environnementaux, éthiques et sanitaires, la viande in vitro est une technique qui consiste à réaliser une biopsie sur un animal vivant sans avoir à l’abattre. Ce prélèvement est ensuite mis en culture en laboratoire dans des conditions contrôlées pour se développer en viande comestible.

Des fibres musculaires sont obtenues en cultivant des cellules souches de muscle, qui proviennent de prélèvements tissulaires sur des animaux. L’opération est effectuée dans un incubateur. Cette technique utilisée est relativement très basique. Elle s’appuie sur le même procédé que celui en place depuis de nombreuses années en médecine régénérative.

Les cellules souches de l’animal prolifèrent alors dans un milieu nutritif composé de protéines, d’acides aminés, d’hormones et autres facteurs de croissance. En se développant, elles forment ensuite des amas de cellules ou des fibres.

Mais le procédé ne s’arrête pas là… Pour limiter le risque de contamination divers, il est nécessaire d’y ajouter des antibiotiques et des fongicides pour éviter l’apparition de champignons.

Quels sont les avantages de cette viande de synthèse ?

La viande in vitro présente des avantages potentiels, notamment :

  • Une réduction de l’empreinte carbone associée à la production de viande traditionnelle ;
  • Une utilisation réduite des terres agricoles ;
  • Une réduction de la souffrance animale ;
  • Une solution à l’augmentation de la demande de protéines animales dans le monde, tout en limitant les risques de transmission de maladies transmissibles aux humains.

Cependant, il existe encore des défis à relever pour que la viande in vitro soit viable à grande échelle, notamment en termes de coûts de production, de réglementation et de perception des consommateurs. Selon une étude menée par l’Université d’Oxford[1] en 2011, la production de viande in vitro permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 96% par rapport à la viande conventionnelle. Cette viande « nouvelle génération » nécessiterait 45% d’énergie en moins pour sa production et économiserait jusqu’à 96% d’eau.

Si ces données paraissent plutôt positives et favorables à l’environnement, elles restent néanmoins relativement hypothétiques. Le chemin est encore long avant qu’elle ne s’invite dans les assiettes…

Un procédé qui suscite un vif intérêt de la part des entreprises étrangères mais aussi Françaises !

Quelques dates clés … 

–        2013 : Le tout premier steak haché in vitro de l’histoire a été présenté par le professeur hollandais Mark Post.

–        2016 : L’entreprise « Memphis Meats » a créé la première boulette de viande sans abattre aucune vache. Son créateur se nomme Uma Valeti.

–        2020 : La société américaine « Just » a reçu l’agrément des autorités de Singapour pour commercialiser une pâte de cellules de poulet, vendue dans un unique restaurant, mélangé avec des protéines végétales sous forme de bouchées (chicken bites).

–        2021 : L’usine de production de viande « Upside Foods » a ouvert ses portes à Emeryville, en Californie. « Aleph Farms » annonce également avoir réussi à reproduire du faux-filet grâce à un procédé d’impression 3-D de cellules (bioprinting)[2].

Plusieurs start-ups françaises se sont saisies du sujet et envisagent une production de masse d’ici cinq à dix ans, sur le créneau de la viande hachée.

Pour exemples : l’entreprise « Vital Meat » située à Nantes, a choisi de se tourner vers la culture de cellules de poulet mais aussi de canard. La société Gourmey, autre entreprise de l’Hexagone qui s’est lancée, a également sélectionné la volaille pour procéder à ses expérimentations.

Qu’en pense la communauté scientifique ?

Pour la communauté scientifique, les données publiées demeurent à ce jour trop approximatives et trop peu nombreuses pour pouvoir donner un avis tranché sur la question. Il est à ce jour en effet complexe de contrôler la qualité sanitaire et nutritionnelle de ce type de produit parce qu’il n’y a pas assez de données scientifiques disponibles.

De plus, le procédé utilisé en laboratoire, à savoir l’importante multiplication de cellules, entraine un risque important de dérive génétique. Une trop grande multiplication cellulaire peut engendrer « des erreurs » de reproduction de ces cellules qui vont alors se modifier et se détériorer. Cela repose sur le même mécanisme que la désorganisation de cellules qui deviennent alors cancéreuses.

Quelles alternatives à la viande in vitro ?

Il est important de poursuivre la recherche et le développement de cette technologie pour surmonter les défis et garantir sa viabilité à long terme. Si protéger les animaux de l’élevage intensif et de l’abattage tout en protégeant l’environnement est à première vue séduisant, d’autres alternatives peuvent également être envisagées et font, elles aussi, l’objet de nombreuses études. Consommer davantage de végétaux mais également de protéines d’insectes ou encore d’algues représente une alternative intéressante et moins risquée.

Une prise de conscience est néanmoins nécessaire. Il est urgent de mieux consommer. Manger en pleine conscience, des produits de meilleure qualité, tout en préservant notre écosystème est de loin la meilleure solution à envisager.

Le Sénat a publié un rapport le 15 mars 2023 sur les questions stratégiques et sociétales liées à la viande cellulaire. 

A l’issue d’une quarantaine d’auditions, le rapport souligne que cette viande cultivée  « ne sera pas dans nos assiettes avant au moins 2025. Pour autant, il faut se positionner dès aujourd’hui ». Olivier Rietmann, sénateur (LR) et co-rapporteur de cette mission d’information, insiste :  « Nous sommes dans une période charnière. Pour l’heure, en France, toutes les avancées sont privées. Il faut investir de l’argent public dans les recherches en y associant le CNRS et l’Inrae (l’Institut national de la recherche agronomique), et mettre en œuvre une meilleure coordination interministérielle. »

Sources :