Fil Bleu du 15 mars 2018

 

Les initiatives

Paint it blue

Hôpital privé La Louvière, Lille (59)

« Les gens du Nord ont sur leurs fenêtres le bleu qu’ils n’ont pas dehors ».
Un slogan qui résume bien l’idée originale lancée par l’Institut de cancérologie du Pôle Lille Métropole. Aurélie Clerquin, chef de projet à l’Institut, explique la démarche :
« Dans chaque établissement du Pôle, les praticiens, salariés et les patients sont invités depuis le 8 mars à dessiner des nœuds bleus, avec des Post-it et gabarits fournis, sur leurs fenêtres de bureau ou de chambre. Le résultat est admirable et rend hommage à l’implication de tous dans cette démarche participative ! Nous reprendrons ce concept lors des journées de promotion du dépistage du cancer colorectal. Un message de prévention sera recouvert de Post-it, et nous inviterons les visiteurs à les décoller un par un. Au fur et à mesure, ils essaieront de deviner le message, et déposeront leur proposition dans une urne. Après tirage au sort, le gagnant remportera un lot, comme une corbeille de fruits par exemple. »
Au sein de l’Hôpital privé La Louvière, cet évènement a eu lieu lors de la journée d’information du 14 mars. Sur le stand étaient présents des professionnels de santé – spécialistes, équipes des soins de support en cancérologie – ainsi que le Réseau Oncomel. Un colon géant et un casque 3D, mis à disposition par un partenaire, ont permis aux visiteurs de découvrir l’anatomie d’un organe méconnu… et d’essayer d’attraper des polypes virtuels.

Même pas peur

Clinique Pasteur et Centre de radiothérapie de Ris-Orangis,
Ris-Orangis (91)

Un événement musclé s’est déroulé le 9 mars devant la clinique. 15 salariés, dont le directeur, se sont retrouvés le temps d’un haka, danse chantée du Pacifique Sud popularisée par l’équipe de rugby de Nouvelle-Zélande. Rachel Panier, assistante de direction à l’origine de ce projet, précise : « Guidé par 2 intervenants, et en présence de musiciens et de leurs ukulélés, le personnel a démontré que face au cancer, c’est bien l’union qui fait la force ! » La vidéo – saisissante – est à retrouver sur la page facebook de l’établissement.
Pour insister sur le rôle de la prévention, la clinique a ensuite convié le 14 mars L’Union sportive de Ris-Orangis pour animer une séance d’exercices physiques. Après l’échauffement, place au travail de la respiration, de l’équilibre, et au renforcement musculaire à l’aide de ballons. Pour se remettre, les participants ont eu droit à une séance d’étirements… et à un bar à jus, afin de souligner l’importance de l’alimentation. L’Association pour le dépistage des maladies cancéreuses en Essonne et la Ligue contre le cancer présentaient le kit de dépistage pendant que les professionnels de la clinique et du centre de radiothérapie détaillaient aux visiteurs le parcours de soin d’un patient en cancérologie. Enfin, place au jeu avec le côlon pédagogique gonflable, et les lunettes 3D pour affronter les polypes, mais sans Haka cette fois-ci !

Une par une

Clinique Ambroise Paré, Toulouse (31)

« Je crois que mon invitation est partie à la poubelle avec les publicités… Mais cette prévention est importante, alors je vais me rendre chez mon médecin ! » Objectif atteint pour cette patiente de 54 ans, l’une des 129 personnes venues tester leurs connaissances sur le stand proposé par l’établissement. Pour aborder le sujet, rien de mieux qu’un quizz qui en 7 questions simples tord quelques idées reçues. « À qui s’adresse le dépistage ? Que contient le courrier d’invitation ? », etc. Armelle Galy, infirmière d’accompagnement à l’annonce et Béatrice Barcos, sage femme tabacologue, ont répondu avec entrain à toutes les questions des visiteurs et membres du personnel. Les personnes ayant obtenu 100 % de bonnes réponses sont même reparties avec une toupie hand spinner bleue. Une manière ludique de se rappeler au quotidien de l’importance de la prévention !

Centre Clinical 

Soyaux (16)

Ce 13 mars, journée de sensibilisation dans l’établissement, animée par une infirmière du dispositif d’annonce, et sa collègue qui assure l’éducation thérapeutique pour les chimiothérapies orales. Les visiteurs ont pu découvrir sur le stand un intestin gonflable géant, mis à disposition par un laboratoire. Un dispositif idéal pour comprendre l’anatomie de cet organe mystérieux. Les férus de technologie, et tous les curieux sans exception, ont pu enfiler le casque virtuel également prêté pour l’occasion. Visualiser en 3D les parois d’un côlon, dénicher les polypes… Pour mettre en lumière cet organe si souvent tabou. À noter la participation de l’Organisation charentaise d’information et de dépistage des cancers (Orchidée 16) et celle du cuisinier, mis au défi de réaliser des meringues bleues. Une journée réussie étant à refaire… C’est déjà prévu pour le 29 mars !

L’interview

M. Frédéric de Bels
Responsable du département dépistage de l’INCa

Où en est-on du dépistage du cancer colorectal ?

Les derniers chiffres montrent une participation de 33,5 % (en 2015-2016, sur 2 années glissantes). Elle est en hausse (29,3 % auparavant) mais reste insuffisante par rapport aux objectifs convenus au niveau européen : un taux de 45 % serait acceptable, celui recommandé étant de 65 %. Si beaucoup de pays européens se sont orientés vers le test immunologique, tous n’ont pas la même envergure et la même organisation qu’en France, où le programme est centralisé et concerne l’ensemble du territoire. Le Royaume-Uni en est à une phase pilote ; l’Espagne et l’Italie ont des organisations régionales. En tous les cas, nous ne sommes pas dans le haut du classement en termes de participation, et nous avons encore de fortes marges de progression. Nous sommes loin des Pays-Bas, qui affichent 70 % de participation, et utilisent le test immunologique depuis plus longtemps.
Sur une période de 8,5 mois en 2015, le programme a permis de détecter près de 4 300 cancers et 17 000 lésions précancéreuses. Au niveau de participation actuel, on sauve déjà des vies, mais ce dépistage étant très efficace, on pourrait en sauver beaucoup plus. Nous devons absolument mobiliser les médecins et le grand public sur ce cancer très fréquent et particulièrement meurtrier, avec 45 000 nouveaux cas et 18 000 décès chaque année.

Le test immunologique est très efficace : pourquoi le dépistage peine-t-il à se développer ?

Beaucoup d’arguments plaident pourtant en faveur du dépistage.
D’abord, son intérêt n’est contesté par aucun professionnel. Les chances de guérison pour un cancer colorectal détecté à un stade 1 ou 2 sont de 90 %. À un stade métastatique elles s’effondrent à environ 15 %. La précocité du diagnostic est donc vitale.
Ensuite, depuis mai 2015, c’est un test immunologique (OC-sensor®) qui est utilisé,
pour rechercher la présence de sang dans le selles. Il est beaucoup plus performant que l’ancien test au gaïac (Hémoccult® II). Il détecte 2,4 fois plus de cancers et 3,7 fois plus d’adénomes avancés (c’est-à-dire des lésions à un stade précancéreux), ce qui permet donc d’attendre un effet à la fois en termes de réduction de mortalité mais aussi en termes de survenue des cancers. Il est aussi plus fiable car les tests sont centralisés sur un seul laboratoire, et la lecture est automatisée. Enfin, il est plus facile d’utilisation, puisque 1 seul prélèvement suffit, contre 6 auparavant (sur 3 jours), ce qui était contraignant pour les personnes qui travaillent par exemple. Nous devons donc travailler à la notoriété de ce nouveau test.

Nous devons aussi lever certains a priori.
La perception du cancer colorectal est parfois qu’il s’agit d’un cancer masculin, par opposition à celui du sein. Les codes couleurs Octobre rose et Mars bleuont pu entretenir cette idée. Or, même si le risque d’avoir ce cancer est un peu plus élevé pour les hommes (4 % vs 3 % pour les femmes), la différence en termes d’incidence et de fréquence est minime : 21 000 nouveaux cas sont détectés chez les femmes chaque année, et 24 000 chez les hommes.
Les enquêtes que nous avons réalisées montrent que les personnes réfractaires au dépistage peuvent ne pas se sentir concernées, parce qu’elles travaillent, ou qu’elles se sentent jeunes et bien portantes et ne voient donc pas l’intérêt de consulter. L’appréhension est un autre facteur. Le terme « cancer » fait peur, la localisation inquiète, ainsi que la perspective d’un résultat positif. Ce cancer est encore associé à l’image d’une poche de colostomie, d’où des réponses du type : « Je préfère ne pas savoir plutôt que d’avoir une poche. » Pourtant, le test n’est positif que dans 4 % des cas et ne signe pas nécessairement une lésion cancéreuse. C’est justement en détectant les lésions précocement que l’on évitera des interventions plus lourdes. Enfin, les modalités du prélèvement, même si elles sont maintenant très simples, rebutent encore.

Comment communiquez-vous sur ce dépistage ?

Nous devons intensifier l’information pour aider le grand public mais aussi les professionnels de santé à percevoir ces enjeux. À travers Mars Bleu, nous devons mobiliser tous les acteurs de santé, dont les établissements, pour mettre un coup de projecteur sur ce dépistage qui marche et n’est pas contesté.

Au plan local, les structures départementales de gestion du dépistage mettent en place des actions d’information comme le Côlon tour développé par la Ligue nationale contre le cancer, ou soutiennent les actions des Sociétés savantes et des Organisations professionnelles de gastroentérologie, comme le Colon daysqui fête ses 10 ans.

Au niveau national, nous déployons depuis 2009 des campagnes de communication.
Cette année, nous l’avons lancée le 18 février, sur tous les réseaux. Un spot télé est diffusé notamment sur France Télévision et sur le câble. Il cible la tranche la plus âgée concernée par le dépistage, avec un univers qui reprend les codes du polar, en noir et blanc. Le spot est aussi présent sur le web, en pré-roll (diffusé avant la visualisation d’une vidéo).
Sur les réseaux sociaux, on cible plutôt les 50-60 ans, avec des posts sur Facebook, Twitter. Nous sommes également présents sous forme publicitaire sur de nombreux sites dans le flux des articles. Nous proposons plusieurs vidéos sur You tube, dont deux infographies Cancer colorectal : pourquoi se faire dépister ? et Dépistage du cancer colorectal : qui ? Quand ? Comment ? Nous avons également réalisé un tutoriel au ton très détendu pour expliquer les modalités du test, dont le prélèvement.

Nous nous adressons aussi directement aux médecins, pour promouvoir le dépistage lors des congrès des sociétés savantes de gastroentérologie et de médecine générale. Ce sera par exemple le cas aux Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive, fin mars, et au Congrès de la médecine générale France début avril. Sur le terrain, les structures de gestion en charge des dépistages sont en relation directe avec les médecins généralistes. Au niveau national nous activons, avec les principaux éditeurs de logiciels d’aide à la prescription, des fenêtres pop-up qui apparaissent lorsque le dossier d’un patient âgé de 50 à 74 ans est ouvert afin de rappeler au médecin la nécessité d’aborder le sujet.

Crédits photos : Hôpital privé La Louvière, Clinique Pasteur et Centre de radiothérapie de Ris-Orangis, Clinique Ambroise Paré, Centre Clinical, INCa