Interview Frédéric De Bels – Fil rose n°6 du 20 octobre 2022

Frédéric DE BELS, responsable du département prévention à l’Institut national du cancer (INCa) 

Quels sont les thèmes de ce mois de mobilisation contre les cancers du sein ?

Santé publique France indique un taux de participation à la campagne de dépistage du cancer du sein de 50,6 % pour l’année 2021. Le retard, qui avait pu être pris lors du premier confinement, a été en partie rattrapé puisque nous avons gagné 2 % par rapport à 2019. Cependant, ce chiffre est insuffisant sachant que 90 % des femmes se déclarent favorables à ce dépistage pris en charge par l’Assurance maladie et sans avance de frais. Il faut donc poursuivre l’information auprès des femmes concernées (les femmes de 50 à 74 ans sans symptômes ni facteur de risque) afin qu’elles participent à ce dépistage. Il est important également de rappeler qu’un examen clinique est recommandé tous les ans, et ce dès 25 ans et sans limite d’âge !

Dépistage et prévention sont les deux grands sujets de la campagne diffusée par l’Institut national du cancer. Sur le dépistage du cancer du sein, l’Institut diffuse un nouveau spot TV relayé également sur le digital et accompagné de messages sur les réseaux sociaux. Il s’adresse directement aux femmes car elles sont les plus à même de décider de participer régulièrement au dépistage. La signature « Faites-vous dépister tous les 2 ans, vous vous en remercierez » s’inscrit dans le prolongement des messages de prévention contre tous les cancers. Un livret d’information est également proposé. Il délivre une information claire et scientifiquement argumentée sur les bénéfices et les limites de ce dépistage. Il aide les femmes à mieux en comprendre les enjeux et l’impact sur leur santé. Il reprend également un contenu sur la prévention des facteurs de risques évitables de cancers, levier majeur de la lutte contre les cancers associé au dépistage.

La prévention primaire, c’est-à-dire la réduction de l’exposition à des facteurs de risques évitables de cancers, est fondamentale. Elle permet d’éviter 1/3 des cancers du sein. Il faut donc agir en amont du dépistage afin de limiter le risque de développer ce cancer. Les facteurs de risque évitables comme l’alcool, le surpoids, le manque d’exercice physique, une alimentation déséquilibrée, le tabagisme sont responsables de 20 000 cancers du sein par an dont près de 15 % sont imputables à la consommation d’alcool. Le message sur les repères de consommation « Pour votre santé, l’alcool, c’est maximum deux verres par jour et pas tous les jours » doit être rappelé régulièrement.

Sur la participation au dépistage du cancer du sein, il existe de fortes disparités régionales. Par exemple, en région PACA et en Île-de-France, les taux de participation sont de plus de 10 à 15 points en deçà de la moyenne nationale même si le dépistage individuel est légèrement supérieur dans ces régions. Sur ces territoires, les établissements sanitaires doivent se mobiliser pour diffuser le message et favoriser la participation des femmes.

Quelles sont les perspectives en matière de dépistage ?

Une étude en faveur d’une adaptation de la fréquence des dépistages en fonction du niveau de risque estimé est toujours en cours. Elle rassemble 5 pays, dont la France, et se déroule auprès de 80 000 femmes.

Par ailleurs, les études montrent que 20 % des cancers du sein surviennent avant 50 ans.  L’union européenne a émis une recommandation en faveur d’un dépistage dès 45 ans. Ceci devra faire l’objet d’une évaluation par la HAS. La recommandation européenne aborde également la technique de la tomosynthèse : coupes successives avec reconstitution ce qui équivaut à une image en 3 D. Cette technique d’imagerie est en cours d’évaluation par la HAS et ses conclusions sont attendues pour le premier trimestre 2023.

Les collectivités, le personnel soignant, la population sont sensibilisés aux risques des cancers du sein mais il faut poursuivre nos efforts pour convaincre les femmes qui ne réalisent pas ou pas régulièrement le dépistage. La stratégie décennale vise à diversifier les acteurs et les réseaux de sensibilisation, les actions de proximité ou encore les campagnes d’information car chaque contact compte.

En septembre 2022, le ministre de la Santé et de la Prévention a annoncé la mise en place de consultations médicales de prévention gratuites à 25, 45 et 65 ans. Celle des 45 ans pourra être l’occasion de sensibiliser à la prévention et au dépistage. Ce doit être un temps d’échange sur la santé offert à chacun.